La sortie de Saad Dine El Otmani dans un média établi à Londres et proche du Qatar démontre la communication désastreuse, tiraillée et un peu ahurie, de la tête du gouvernement. Quelques moins avant la fin du quinquennat, Otmani et son cabinet affichent le visage d’une majorité divisée, incohérente et surtout irrésolue.
Pour affronter la crise sanitaire, l’exécutif avait au départ fait le pari de placer en première ligne le directeur de l’épidémiologie et des maladies infectieuses au ministère de la santé, Mohamed El Youbi, tandis que dans les rangs de la majorité, on en était aux tâtonnements, aux oscillations des volontés indécises. On fait de l’expectative et de l’attente une politique.
El Otmani, faute de se sentir en terrain sûr, n’a pas osé à se hasarde à trancher dans le vif, à dire le mot décisif de la situation à la population éprouvée par deux mois de confinement. 24 heures avant le coseil de gouvernement, le chef de cabinet islamiste a préféré parler à Post Arabi, un média établi à Londres réputé proche du Qatar. Il s’y est borné à promettre des actions progressive, un peu de fermeté, et à faire un appel un peu moi à cette union solidaire. Partout, on parle de modération, d’un gouvernement responsable ; mais en même temps l’esprit exclusif de parti qui guide El Otmani ne le quitte pas. Il trace un programme sans consistance pour se dispenser de préciser une politique. Il ne donne aucune direction, il traite les choses délicates par allusion ou par prétention ; et l’opposition déclare sans cesse qu’il n’est pas fait pour assurer l’autorité et la force du ministère, puisqu’il agit à l’improviste, et vit des situations indécises.
La crise sanitaire est obscure et pénible, gérée de manière chaotique par la coalition gouvernementale menée par le Parti justice et développement (PJD, islamiste). Elle est dans la gestion des personnes bloquées à l’étranger, avec toutes ces démarches engagés au hasard. Elle est dans l’agriculture qui se plaint, dans l’industrie et le commerce qui souffrent du décroissement du travail, de la diminution des transactions, dans les finances, déjà dans le rouge, qui plient sous l’excès des dépenses et périssent par les déficits.
D’énormes défis socio-économiques et politiques se posent au Maroc pour la période de l’après-verrouillage du pays. Indépendamment des signes prometteurs d’une dynamique à court terme dans l’unité et la confiance institutionnelle, les faiblesses des politiques publiques et du système de santé restent criardes. Il y a surtout des questions qui reviennent sans cesse, qui sont pour le moins aussi sérieuses et plus délicates encore que les questions financières, ce sont celles qui intéressent la reconstitution des aspects de la vie sociale et économique du Maroc. Les entreprises, les travailleurs, redoutent d’attendre une épaulette incertaine ou lente à venir des autorités, et le manque d’intérêt qu’El Otmani porte à ces sujets.
La crise sanitaire est dans la vie intérieure nationamle, où le pouvoir exécutif se déconsidère par l’incohérence et le silence, où le sens des règles les plus simples de la gestion publique semble de plus en plus s’émousser. Elle est dans les affaires partisanes, où rognent des passions de secte qui mettent le trouble dans les opinions, où se déploient de pernicieux systèmes qui conduisent par la nivellement à l’abaissement de tout idéal.
El Otmani parle sans cesse de raffermir les institutions sauf que ses démarches ne servirait qu’à les fausser encore plus. Pour remettre l’ordre dans les esprits après la crise sanitaire, il n’a trouvé rien de mieux que des annonces déclamées à la dernière minute. Le silence est son unique arme pour éviter « les questions qui irritent». En attendant la réalisation des plans de relance que ses équipes avaient promis, Le chef du PJD n’offre que des expédients, des confusions, des obstinations et des errements de parti qui se dirigent vers des médias étrangers pour détailler les questions nationales, qui concernent la population marocaine.
La situation semble sans fixité. El Otmani est le premier à laisser éclater leurs impertinences. Il est impossible de se contenir, et, comme s’il n’y avait pas assez de problèmes sérieux faits pour intéresser le pays, finances, privatisations, réformes de l’enseignement, crise sociale, on se plaît à susciter des attentes factices, à engager des sorties de fantaisie, à réveiller toute sorte de questions irritantes eu inutiles.
La question du déconfinement a tout éclipsé, elle a été la première des questions évoquées. El Otmani est redevenu un personnage du moment, livré au feu de toutes les polémiques, sauf qu’il ne parlait pas. Il agit avec une prudente résolution et, au lieu d’associer l’opinion publique à des décisions trop attendues ; il a préféré se confier à un média étranger sur une question centrale, se moquant effrontément de lui-même et de ses compatriotes, jouant une perpétuelle comédie au profit de sombres raisonnements.
Les Marocains découvrent un personnage qui n’est grand ni par le cœur, ni par l’inspiration morale, ni par la détermination, ni par le caractère, et voilà pourquoi c’est l’homme le moins fait pour être un objet d’apothéose publique, pour devenir une référence, comme l’ancien chef du gouvernement socialiste, Abderrahman Youssoufi, mort le 28 mai.