Deux manifestants ont été tués vendredi à Bagdad où les forces de sécurité ont tiré des grenades lacrymogènes et assourdissantes pour disperser la foule, à la reprise d’une contestation endeuillée début octobre par plus de 150 morts.
Si le grand ayatollah Ali Sistani, plus haute autorité religieuse chiite d’Irak, a appelé forces de sécurité et manifestants à la « retenue » pour éviter le « chaos », les heurts, débutés aux abords de la Zone verte avant de se déplacer sur la place Tahrir, se sont poursuivis dans l’après-midi. Le grand ayatollah Sistani, qui avait donné au gouvernement jusqu’à ce vendredi pour répondre aux demandes des manifestants, a de nouveau appelé à des réformes et à la fin de la corruption, l’une des revendications premières des manifestants.
Il n’a pas néanmoins signifié, comme il l’a déjà fait par le passé avec d’autres Premiers ministres, qu’il se désolidarisait du Premier ministre Adel Abdel Mahdi. C’est pourtant M. Abdel Hadi, entré en fonctions il y a un an, que la rue tient vendredi pour responsable de ses maux, alors que depuis le début du mouvement, elle conspue l’ensemble de la classe politique d’Irak, 12e pays le plus corrompu au monde.
« Adel Abdel Mahdi nous ment », ont crié certains manifestants, après un nouveau discours dans la nuit durant lequel il a annoncé des mesures sociales et réformes législatives sans proposer les changements radicaux réclamés par la contestation: une nouvelle Constitution et une classe politique entièrement renouvelée. Depuis le matin, la police déployée en masse tire des barrages de grenades lacrymogènes et assourdissantes pour empêcher les manifestants d’entrer dans la Zone verte où siègent le pouvoir irakien et l’ambassade des Etats-Unis.
Les deux manifestants tués auraient été touchés au visage par ces grenades, a indiqué à l’AFP un membre de la Commission gouvernementale des droits de l’Homme. C’est sur la place Tahrir que le mouvement de contestation a repris jeudi soir après de nouveaux appels à manifester relayés sur les réseaux sociaux.
Déclenchées spontanément le 1er octobre par des appels sur les réseaux sociaux, les manifestations avaient été marquées jusqu’au 6 octobre par la mort de 157 personnes, quasiment tous des manifestants et en très grande majorité à Bagdad, selon le bilan officiel. Des défilés ont également lieu dans plusieurs villes au sud de Bagdad, dont la ville sainte chiite de Najaf et Nassiriya, comme au début octobre. Les sièges de certains partis ont été incendiés à Samawa. Avant les nouvelles manifestations, la mission de l’ONU en Irak avait appelé le gouvernement à « tirer les leçons » et à « prendre des mesures concrètes pour éviter la violence ».
Comme début octobre, les appels à manifester concernent la plupart des provinces du sud, chiite et tribal. Dans le nord et l’ouest, majoritairement sunnites et repris il y a deux ans au groupe État islamique (EI), personne n’a défilé, les militants disant redouter d’être réprimés et accusés de « terrorisme » ou de « soutien à l’ex-régime de Saddam Hussein », des étiquettes déjà accolées aux manifestants par leurs détracteurs.






