Les mesures fiscales prévues par la Loi de Finances 2020 apportent une série de changements. En effet, de nouvelles mesures ont été introduites par la Loi de Finances pour l’année budgétaire 2020 n°70-1, promulguée par le dahir n°1-19-125 du 16 Rabii II 1441 [13 décembre 2019], et commentées par la note circulaire publiée en janvier dernier par la Direction générale des impôts (DGI).
La question de l’équité fiscale interpelle les assujettis et les départements concernés. Elle a fait l’objet d’assises nationales pendant deux jours, les 3 et 4 mai 2019 à Skhirat, au Centre international des conférences Mohammed V. La loi de Finances 2020 a-t-elle répondu aux attentes générales ? Selon Othmane Berrada, économiste et chercheur en droit fiscal, les mesures fiscales 2020 ont été très attendues étant donné que le Maroc s’est engagé à corriger trois régimes fiscaux préférentiels, à savoir ceux des zones franches d’exportation, des entreprises exportatrices et celui de Casablanca Finance City.
« L’abolition de ces régimes de faveur se traduit par le réaménagement du taux de l’IS pour le secteur industriel, à travers la convergence progressive vers un taux unique concernant le chiffre d’affaires réalisé par les sociétés industrielles au titre de leurs ventes locales et à l’export. Il est également question de l’institution d’un taux unique concernant le chiffre d’affaires réalisé par les exploitants agricoles, ainsi que la révision du régime fiscal des zones franches d’exportation (ZFE) », a-t-il indiqué.
Le chercheur en droit fiscal note que les dispositions fiscales relatives aux règles d’assiette en matière d’impôt sur les sociétés, d’impôt sur le revenu, de taxe sur la valeur ajoutée, des droits d’enregistrement et de timbre et de la taxe sur les contrats d’assurances ont connu plusieurs changements de tendance haussière. Il relève également que les recommandations des troisièmes assises fiscales n’ont pas été prises en considération lors de l’élaboration des mesures fiscales au titre de l’année budgétaire 2020.
En effet, lors de la troisième édition des assises fiscales, 167 recommandations ont été formulées pour l’élaboration d’une loi-cadre qui devait servir comme base pour les 5 prochains PLF. Engagement qui n’a pas été respecté. La LF n’instaure pas un barème progressif qui devait fiscaliser correctement, de manière conséquente, les revenus du capital. Un autre exemple aussi parlant est celui de la cotisation minimale qui est un prélèvement controversé. Signalons que plusieurs entreprises déclarent des résultats déficitaires ou nuls. La cotisation minimale aggrave donc la situation de ces entreprises, c’est pour cela que les recommandations des assises fiscales partent du principe que cette cotisation minimale doit être supprimée. La recommandation n’a pas été respectée. L’année dernière, ce taux a été relevé de 0,5% à 0,75% sur le chiffre d’affaires (CA). Toutefois, cette année, ce taux est revenu à la situation de 2018, à savoir de 0,5%.
S’agissant de l’égalité fiscale, Othmane Berrada souligne que la Loi de Finances 2020 instaure « un régime fiscal très inégalitaire, voire injuste ». En effet, au Maroc, moins de 1% des entreprises financent à elles seules 80% de l’impôt sur les sociétés. De plus, 73% de l’impôt sur le revenu est supporté par les salariés uniquement. Dans ce contexte, il rappelle que les questions de justice fiscale et d’égalité des contribuables devant l’impôt ont été évoquées lors des dernières assises fiscales. A l’issue de ces assises, de nouvelles mesures fiscales devaient être mises en place afin de mieux répartir l’effort fiscal entre les contribuables ; telles que : garantir la neutralité totale de la TVA, réaménager de manière optimale les taux et les tranches du barème de l’impôt sur les revenus (IR) pour soutenir le pouvoir d’achat des faibles revenus et des classes moyennes, renforcer les droits des contribuables dans un souci d’équilibre entre les droits et les obligations et baisser le taux marginal de l’IS pour certains secteurs et ce en vue de dynamiser la création de l’emploi et de favoriser l’innovation.
Dans ce cadre, Barlamane.com/fr vous propose un rappel des principales mesures fiscales de la LF 2020 :
La LF 2020 instaure la suppression pour les nouvelles entreprises exportatrices, de l’exonération de 5 ans en matière d’Impôt sur les Sociétés (IS), concernant le chiffre d’affaires réalisé à l’exportation. Toutefois, les sociétés industrielles continuent à bénéficier pour leur chiffre d’affaires global, d’une exonération totale, pendant les 5 premiers exercices à compter du début de leur exploitation.
En outre, le taux de 20% est venu remplacer le taux de 17,5% pour les entreprises générant des bénéfices se situant entre 300.000 dirhams et 1.000.000 dirhams. Toutefois, est fixé à 20% le taux appliqué à la tranche dont le montant du bénéfice net est supérieur à 1.000.000 de dirhams. Le taux du barème de 31% est ramené à 28% pour les sociétés exerçant une activité industrielle, à l’exclusion de celles dont le bénéfice net est égal ou supérieur à 100.000.000 de dirhams. Quant au taux de 37%, il s’applique aux établissements de crédit et organismes assimilés, à Bank Al-Maghrib et à la Caisse de Dépôt et de Gestion. De plus, les entreprises d’assurances et de réassurance Takaful ainsi que les fonds d’assurances Takaful et des fonds de réassurance Takaful seront soumises au taux spécifique de 37%.
Par ailleurs, la Loi de Finances 2020 a instauré un nouveau régime fiscal pour les entreprises sous statut CFC (Statut Casablanca Finance City) . Elle a ainsi révisé, dans le cadre des mesures spécifiques à l’impôt sur les sociétés, les dispositions applicables au résultat fiscal de ces sociétés ainsi qu’à leurs dividendes distribués. Par conséquent, deux régimes fiscaux coexistent pour les entreprises sous statut CFC. Celles qui bénéficient de ce statut avant le premier janvier 2020 ont néanmoins la possibilité de choisir. Elles peuvent soit continuer à profiter de l’ancien régime, soit adhérer de manière irrévocable au nouveau. Ainsi, les entreprises vont faire leur calcul et tenir compte de l’exonération de la retenue à la source sur dividendes.
En ce qui concerne les entreprises installées dans les zones d’accélération industrielle, à compter du 1er janvier 2021, ainsi que les sociétés de services ayant le statut CFC créées à partir du 1er janvier 2020, elles seront imposées au taux uniforme de 15%, au-delà de la période d’exonération quinquennale, sans distinction entre le chiffre d’affaires local et celui réalisé à l’export.
Les sociétés sportives constituées, bénéficieront de l’exonération quinquennale, à compter du premier exercice d’exploitation. Quant aux exploitations agricoles, dont le chiffre d’affaires est supérieur à 5.000.000 dirhams, les sociétés exerçant les activités de l’offshoring ainsi que les sociétés sportives, elles bénéficieront de manière permanente du taux marginal fixé à 20% pour la tranche du bénéfice net dont le montant est supérieur 1.000.000 de dirhams. Concernant le montant de la participation ouvrant droit à la réduction d’impôt au profit des entreprises qui prennent des participations dans le capital des jeunes entreprises innovantes en nouvelles technologies, il est plafonné désormais à 500.000 dirhams, par start-up au lieu de 200.000 dirhams.
En outre, les sociétés industrielles exerçant des activités fixées par voie réglementaire et les sociétés exerçant les activités d’externalisation de services à l’intérieur ou en dehors des plateformes industrielles intégrées dédiées à ces activités, ils bénéficient de l’exonération totale de l’IS pendant les 5 premiers exercices consécutifs à compter de la date du début de leur exploitation.
En vue de réaliser les opérations de transfert des immobilisations corporelles, incorporelles et financières dans le cadre du régime d’incitation fiscale aux opérations de restructuration des groupes de sociétés et des entreprises, la société mère doit produire un état selon un imprimé modèle clarifiant toutes les opérations de transfert et ce, dans un délai de 3 mois suivant la date de clôture de l’exercice au cours duquel le transfert a été effectué. De plus, les sociétés ayant bénéficié du transfert desdites immobilisations doivent produire dans les 3 mois qui suivent la date de clôture de chaque exercice comptable, un état selon un imprimé-modèle établi par l’administration. Il devra préciser la valeur d’origine figurant dans l’actif immobilisé de la société du groupe ayant opéré la première opération de transfert, la valeur nette comptable et la valeur réelle à la date du transfert ainsi que les dotations aux amortissements et aux provisions déductibles et celles réintégrées au résultat fiscal. En cas de sortie d’une société du groupe ou en cas de retrait de l’une des immobilisations ou de cession de ladite immobilisation à une société ne faisant pas partie du groupe, le service local des impôts doit être avisé par la société concernée, dans les 3 mois qui suivent la date de clôture de l’exercice concerné, selon un imprimé-modèle établi par l’administration.
Concernant les mesures relatives à l’IR (Impôt sur le revenu), la Loi de Finances 2020 note que l’examen de l’ensemble de la situation fiscale prévu à l’article 29 du CGI (Code Général des Impôts), ne peut être effectué que lorsque le montant des dépenses est supérieur à 240.000 dirhams par an, au lieu de 120.000 dirhams. A cet effet, l’administration peut évaluer le revenu global annuel du contribuable au titre des revenus professionnels, agricoles et fonciers. Toutefois, pour les contribuables qui n’ont pas déposé leurs déclarations fiscales, elle doit d’abord engager la procédure de la taxation d’office.
L’administration doit tenir compte des dépenses qui peuvent être effectuées par des ressources issues de plusieurs années. Dans ce cas, l’évaluation de la situation fiscale des contribuables doit porter sur la seule fraction du montant de la dépense correspondant à la période non prescrite. Avant d’engager la procédure de rectification, l’administration doit inviter le contribuable à un échange oral et contradictoire et tenir compte des observations formulées par l’intéressé, dans le cas où elle les estime fondées. Toutefois, la procédure d’examen de l’ensemble de la situation fiscale du contribuable ne peut être engagée que lorsque le montant des dépenses visé excède le montant du revenu déclaré d’au moins le quart. Les contribuables bénéficient d’un abattement de 25% de la base imposable correspondant au chiffre d’affaires réalisé par paiement mobile, concernant les régimes du résultat net simplifié ou du bénéfice forfaitaire.
Les seuils relatifs à l’application du régime forfaitaire ont été revus à la hausse. Désormais le chiffre d’affaires, TVA comprise, annuel ou porté à l’année ne doit pas dépasser : 2.000.000 de dirhams, au lieu de 1.000.000 dirhams, pour les activités commerciales, industrielles ou artisanales et 500.000 dirhams, pour les prestataires de service.
Quant aux pensions d’invalidité servies aussi bien aux personnes civiles que militaires ou à leurs ayants cause, sont exonérés sans distinction, de l’impôt sur le revenu. De plus, l’indemnité de stage mensuelle brute, plafonnée à 6.000 dirhams, versée au stagiaire titulaire d’un baccalauréat recruté par les entreprises du secteur privé pour une période de vingt-quatre mois, sera exonérée. L’abattement forfaitaire appliqué au montant brut imposable des pensions et rentes viagères, pour la détermination du revenu net imposable se fera comme suit : un taux de 60%, au lieu de 55%, sera appliqué sur le montant brut ne dépassant pas annuellement 168.000 dirhams tandis qu’un taux de 40% sera appliqué sur les montants dépassant cette somme, à savoir le surplus. Quant aux revenus et profits de capitaux mobiliers réalisés dans le cadre d’un plan d’épargne actions ou d’un plan d’épargne entreprise au profit des salariés, ils sont exonérés de l’impôt, à condition que le montant des versements effectués par le contribuable dans ledit plan ne dépasse pas 2.000.000 dirhams au lieu de 600.000 antérieurement.
S’agissant des mesures relatives à la TVA, la Loi de Finances 2020 stipule que les ventes et prestations de services, effectuées par les fabricants et les prestataires, personnes physiques, dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur ou égal à 500.000 dirhams, à l’exception des personnes exerçant des professions libérales, sont désormais exonérées de la T.V.A sans droit à déduction. Toutefois, lorsque ces derniers deviennent assujettis, ils ne peuvent remettre en cause leur assujettissement à la TVA que lorsqu’ils réalisent un chiffre d’affaires inférieur ou égal à 500.000 dirhams pendant 3 années consécutives.
Par ailleurs, l’ensemble des activités et opérations réalisées par les sociétés sportives pendant une durée de 5 années à compter du 1er janvier 2020 jusqu’au 31 décembre 2024, sont exonérées des impôts. Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée avec droit à déduction : les ventes portant sur les implants cochléaires, les vaccins et les médicaments destinés au traitement de la fertilité et au traitement de la sclérose en plaques. Sont devenus taxables en matière de TVA, certains matériels agricoles pouvant avoir un usage mixte dont notamment : les abri-serres et les éléments entrant dans leur fabrication, les moteurs à combustion interne stationnaire et les pompes à axe vertical et les motopompes dites pompes immergées ou pompes submersibles. Quant aux prestations fournies par les cafés, les opérations de vente des billets d’entrée aux musées, cinéma et théâtre, les opérations de financement réalisées dans le cadre des contrats « Salam» et «Istisna’a» et les moteurs importés, destinés aux bateaux de pêche, ils sont désormais soumis à la taxe aux taux réduits de 10%.
En ce qui concerne les mesures relatives aux droits d’enregistrement et de timbre, les actes portant acquisition d’immeubles par les bénéficiaires du relogement dans le cadre du programme «Villes sans bidonvilles» ou «Bâtiments menaçant ruine», ils sont exonérés des droits d’enregistrement. Cette mesure s’applique également sur les actes portant acquisition de terrains nus ou comportant des constructions destinées à être démolies et réservées à la construction des établissements hôteliers, les actes et écrits par lesquels les associations sportives procèdent à l’apport, d’une partie ou de la totalité de leurs actifs et passifs aux sociétés sportives et les actes portant acquisitions d’immeubles par les partis politiques nécessaires à l’exercice de leur activité. Soulignons que cette exonération est appliquée pour une durée de 2 années, à compter du premier janvier 2020.
En outre, le taux de la cotisation minimale est fixé à 0,50% par la Loi de Finances 2020. Toutefois, ce taux est porté à 0,60%, lorsqu’au-delà de la période d’exonération, le résultat courant hors amortissement est déclaré négatif par l’entreprise, au titre de deux exercices consécutifs. Une majoration de 0,5% est appliquée en cas de défaut de dépôt ou de dépôt en dehors des délais légaux, des actes et conventions exonérés des droits d’enregistrement. Cependant, la majoration de 0,5% est ramenée à 0,25% dans le cas de dépôt desdits actes et conventions dans un délai ne dépassant pas trente jours de retard.