« Il n’y a pas eu de morts, car les dieux sont présents dans cette partie de Sebta ». C’est par cette phrase qu’une journaliste du quotidien local El faro a décrit ce qui s’est passé jeudi au quatrième jour de l’ouverture du nouveau couloir destiné aux porteurs des marchandises de contrebande, le Tarajal II, censé trouver une solution au flux aux milliers de ces « damnés de la terre » dont le gouvernement marocain semble avoir tourné à jamais le dos.
Ce qui s’est passé est « impossible, inadmissible, une honte », déplore la journaliste d’El faro qui a posté deux vidéos sur son site dans lesquels on voit ces centaines de femmes de tous âges, des hommes jeunes et moins jeunes, des vieillards, des handicapés porter sur leur dos des dizaine de kilos de marchandises qu’ils venaient de faire sortir des immenses dépôts d’El Poligono, dont les patrons se frottent les mains grâce à ce commerce juteux qui coûte des milliards à l’économie marocaine.
Cris hystériques, évanouissements, chutes, matraquage de la part des agents de la Garde Civile espagnole, la journée de jeudi au niveau du Tarajal II a été des plus dramatiques, malgré le déploiement d’un dispositif important d’agents de la Garde civile qui, malgré l’aide des agents de sécurité privés, ont été débordés par cette marée humaine, 10.000, selon la presse, qui tentaient de sortir la marchandise destinée aux commerces des villes voisines Fnideq, Mdiq, Tétouan, Martil et au delà.
Des scènes qualifiées de « honteuses » par les journalistes espagnols, et qui ont suscité la réaction de responsables et d’élus espagnols du préside occupé. Le cas du député de la coalition des parties « Caballas », Juan Luis Aróstegui qui, dans une conférence de presse jeudi, s’est demandé si le temps n’était pas venu de faire un choix: soit appliquer la législation de manière rigoureuse et partant, fermer purement et simplement les polygones avec tout ce que cela aura comme impact sur le coût diplomatique, politique et économique d’une telle décision qui serait inacceptable, soit assumer la gestion de ce problème avec compréhension et une vision profonde.
La ville ne peut se passer d’une zone clé (le polygone industriel) pour elle car ce serait irresponsable, a reconnu ce député qui appelle l’administration à apporter son soutien surtout aux agents de la Garde civile qui, selon lui, ne peuvent faire face à 10.000 porteurs dont le nombre ne cesse d’augmenter d’où le risque « tôt ou tard » d’une nouvelle tragédie comme ce fut le cas en 2009 avec la mort de deux femmes.
Face au silence du gouvernement marocain, des ONG et des partis politiques au sujet de ce drame qui fait la honte de l’Etat, les porteurs hommes, et les femmes-mulets comme on les appelle, continueront de voir leur dignité bafouée quotidiennement pour quelques dizaines de dirhams.