Le Policy Center for the New South a organisé, aujourd’hui à Rabat, un séminaire autour de « l’économie africaine en 2020 : enjeux et perspectives ». Cet événement a été l’occasion de présenter le numéro “repères” sur l’économie africaine réalisé par l’Agence Française de Développement (AFD).
Le numéro « repères » a été élaboré conjointement par Vincent Caupin, Directeur du Département Diagnostics Economiques et Politiques Publiques de l’AFD, et Cécile Valadier, directrice adjointe du même département. L’ouvrage livre des analyses inédites sur les grandes questions économiques et sociales qui touchent le continent africain. Cette édition 2020 présente les tendances macroéconomiques de l’Afrique et de ses régions, et porte un regard pluridisciplinaire sur des enjeux structurels majeurs, qu’ils soient continentaux ou spécifiques à un pays.
Pour Vincent Caupin, cet ouvrage par de trois convictions. En premier lieu, il s’agit de lever les idées reçues sur le continent. La deuxième conviction est que l’Afrique est un continent qui évolue à une vitesse fulgurante, et la troisième est que ce qui se passe en Afrique a des répercussions dans divers pays du monde, notamment en Europe. L’ouvrage traite ainsi divers aspects du développement en Afrique, sur les deux plans macroéconomique et microéconomique. Il aborde en 5 chapitres distincts l’urbanisation, l’industrialisation, l’augmentation rapide de l’endettement, les flux migratoires et le problème du foncier.
Cecile Valadier a affirmé, dans la même lancée, que « nous avons généralement tendance à avoir des idées reçues sur l’Afrique. Nous pensons connaître les grandes économies du continent, comme le Nigéria ou l’Afrique du Sud. Mais en les scrutant d’un point de vue régional, l’on se rend compte que ce sont des économies qui sont actuellement en difficulté ». En effet, les 6 premières économies africaines représentent à elles seules 65% du PIB, mais 4 de ces économies ont des difficultés : l’Afrique du Sud, le Nigéria, l’Angola, et Algérie – qui sont des pays dépendant de l’économie pétrolière.
L’ouvrage déconstruit plusieurs idées reçues autour de l’économie africaine. Contrairement aux croyances, la croissance économique africaine se caractérise par une dynamique positive globalement. La croissance africaine s’est maintenue à 3,2% en 2019, qui est similaire à son taux en 2018 (3,4%). Ceci est une performance vu que la plupart des pays européens ont connu un taux de croissance à tendance baissière en 2019. Un autre stéréotype déconstruit, concerne le Sahel, qui malgré le contexte sécuritaire difficile, voit son PIB par tête continuer de croître. C’est une bonne pluviométrie ces dernières années qui a contribué au développement du secteur agricole, ainsi qu’au développement du secteur minier, fait observer M. Caupin.
Avec la crise du coronavirus actuelle, l’Afrique peut-être confrontée à un choc d’offre et un choc de demande. Cela mettra les pays face à la baisse de consommation, la baisse d’investissement, la baisse de confiance, la chute des cours boursiers. Déjà, les effets sont sensibles sur plusieurs « canaux de transmissions ». Les principaux canaux sont le pétrole et les matières premières, pour des pays comme l’Algérie, l’Angola ou le Nigéria ; le tourisme et la fuite vers la qualité, qui concerne les investisseurs qui iront placer leurs investissements dans d’autres pays jugés plus sûrs. A noter qu’en ce qui concerne le pétrole, la crise est négative pour les pays producteurs, mais elle peut s’avérer positive pour les pays importateurs comme le Maroc, vu que les cours du pétrole seront à la baisse.
L’endettement est également un problème majeur de l’économie africaine. Cette dernière est très dépendante de l’endettement externe, et si jamais elle venait à ne plus recourir à celui-ci, les investissements publics de divers pays africains baisseraient considérablement. Toutefois, les pays africains se défont peu à peu de leurs dettes, précise Mme Valadier. Elle explique cependant que le coût des emprunts est en hausse. Un état de fait qui entraîne une détérioration globale de la viabilité de la dette, soit la capacité des Etats à honorer leurs échéances. En effet, 19 pays sur les 39 pays africains sont classés en risque élevé de surendettement. Selon Mme Valadier, il est difficile de cerner si cette dette est profitable aux pays africains. La question qui se pose est la suivante : l’endettement sert-il à financer de l’investissement, pour générer de la croissance et le rendre plus soutenable en retour ? ou alors les pays africains comptent-ils sur l’endettement pour combler uniquement les lacunes de leurs dépenses ?