Il faut aimer, écrire. Il faut s’indigner, écrire. Il faut rêver, écrire. Il faut oublier, écrire. Mais pourquoi l’écriture exerce sur nous une telle emprise? La réponse toute facile c’est de dire qu’on écrit pour échanger, divertir, convaincre de certaines idées et valeurs auxquelles on tient tout particulièrement. On écrit pour apporter à celui qui nous lit un sourire, une évasion ou même un tourbillon d’émotions. On écrit aussi pour ce geste de liberté totale qui fait que tout le monde peut écrire.
Chacun de nous, dans ses premières jeunesses, a écrit un jour un texte, une pensée, une Nouvelle.. Pourtant, très peu ont atteint ce statut prisé de l’écrivain, du poète ou du chroniqueur.
Et contrairement à l’écriture pour soi, certains écrivent pour s’approprier une certaine légitimité par l’écriture. Ce sont des aspirant-es écrivain-es, poètes, romanciers qui se sont lancés dans l’écriture par impérieuse nécessité de se faire connaître. Il est difficile d’imaginer les épreuves qu’ils endurent et le marathon qui devait les mener à la publication. A commencer par l’envoi à l’éditeur, l’attente, la réponse, le contrat souvent inéquitable, la conception de la Couverture, la taille appropriée à donner à son manuscrit, les signatures et enfin la mise en vente. Et pour chacune de ces étapes, c’est la mort à petit feu.
D’autres écrivains parmi les journalistes surtout, sont payés pour le faire dans le cadre de leurs activités professionnelles. Et une troisième catégorie d’écrivains dont la noble mission d’écrire n’a jamais été souillée par une quelconque considération marchande. Leur seule et unique rétribution, c’est de gagner un maximum de lecteurs, mais surtout de bien mériter leur respect.
Mon histoire à moi avec l’écriture, remonte à mon très jeune âge où j’étais passionné par la subtilité du mot et la délicatesse du sens. J’ai aimé l’écriture à travers la lecture. ‘’Lire c’est vivre par procuration’’, disait Najib Mahfoud. Outre le plaisir que je tirais de la lecture, chaque livre, chaque poème, chaque écrit éveillait en moi le sens de l’écriture.
Je n’avais pas encore 18 ans quand j’ai intégré l’Institut Supérieur du journalisme (ISJ) pour faire de l’écriture le reflet de mon quotidien. Le jour de mon affectation à l’Agence marocaine de presse (MAP), je l’attendais depuis des années. Ce jour-là, on m’a confié un article de deux feuillets à traduire sur les ressources halieutiques au Maroc. Quelle malchance de tomber sur une traduction pour mon premier papier à l’Agence, me disais-je. J’ai raturé, relu, corrigé, grillé une dizaine de cigarettes en butant sur un mot ou une expression. J’ai compulsé le dictionnaire des synonymes sous le regard impassible du Secrétaire de rédaction qui ne savait pas que ce papier formera mon élan vers l’avenir. Il ne se rendait pas compte de l’angoisse profonde qui me hantait sous la forme d’un ‘’on va pas vouloir de cette traduction lourde et sans âme qui est la mienne’’. Je me suis alors efforcé de rendre chaque mot élégant, puissant, sans pour cela trahir le texte initial. Ce premier test largement réussi ne changera rien à mes angoisses quant aux prochains papiers dans d’autres genres journalistiques. S’ensuit alors un fleuve de dépêches que je devais traiter quotidiennement en tenant compte des facteurs de rapidité et de précision, sans négliger pour autant les opérations complexes de révision, de correction, et de la mise au propre avant la diffusion.
J’ai appris dans mes débuts à la MAP, qu’on n’écrit pas pour convaincre de quoi que ce soit ni qui que soit. On recueille l’information, on la traite et on la diffuse sans commentaire aucun. J’avais vite pris goût à l’écriture sèche, plate, sans effets de style. Hormis les articles signés où l’on ose un contexte discursif particulier, les autres papiers où on est confrontés à une double exigence de rapidité et de concision et à une course concurrentielle qui consiste à travailler la dépêche dans l’immédiat, versent en majorité dans la simplicité et la clarté loin de toute élégance ou ornementation.
Aux premiers jours à la MAP, J’étais particulièrement impressionné par la façon dont se construit l’information. De l’instant où un confrère la traite et la diffuse aux journaux, à celui où le lecteur la découvre développée, illustrée et titrée à la Une, se déploie une longue chaîne d’opérations aussi bien journalistique que technique.
Ma trajectoire professionnelle devait me conduire par la suite à l’écriture libre (chroniques) dans des publications francophones et arabophones très prisées telles ‘’Almassae’’, ‘’Akhbar al-yaoum’’, ‘’Maroc’’ Hebdo’’, ‘’Barlamane.com’’ et autres… C’est une deuxième naissance. Un nouvel espace de liberté et de résistance à teneur informative et analytique à la fois, qui m’aidera à fixer l’accent, creuser, mettre en perspective, fouiller dans les particularités de ce Maroc si attirant et si compliqué, sans jamais me libérer de cette emprise encore et toujours contraignante qui fait qu’il faut écrire. Il faut aimer, écrire. Il faut s’indigner, écrire. Il faut rêver, écrire. Il faut pleurer, écrire. On ne finira jamais d’écrire.. !