En Algérie, la liberté politique et l’ordre social sont ébranlés, et les différentes élections de 2021 en Algérie ont apporté à l’existence et à la légitimité du régime d’Abdelmadjid Tebboune un désaveu éclatant et suprême.
Le cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika est assuré par Abdelmadjid Tebboune. Tandis que la langue politique du président algérien se paie de lieux-communs, de formules vagues et de promesses emphatiques, ses déclamations ne trouvent aucun écho chez le peuple. Face à un Hirak dûment réprimé et à des affaires intérieures livrées à toutes les influences, à tous les conflits, à toutes les incertitudes ; le président algérien utilise la carte des échéances électorales pour abréger cet état maladif où se traîne le pays. Fin novembre, au terme d’une campagne électorale morose, les Algériens ont voté pour choisir leurs élus communaux et départementaux. Mais la «dernière étape pour l’édification d’un Etat moderne» et pour «bâtir un Etat économiquement fort au sein de la démocratie et de la liberté du citoyen », selon les mots grandiloquents d’Abdelmadjid Tebboune. Résultat des sources ? 8 millions de votants sur 23 millions d’inscrits, et un taux de participation ayant atteint 35,97 % pour les communales et 34,39 % pour les départementales, selon le président de l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE), Mohamed Charfi.
Finalement, le Front de libération nationale (FLN) a été déclaré première force politique au Parlement algérien, obtenant 5 978 sièges au niveau national et la majorité absolue dans une centaine de commune, et une confortable majorité relative dans plus de 550 communes. Il s’agit de la troisième élection organisée sous la présidence d’Abdelmadjid Tebboune, élu en 2019 avec un taux de participation d’à peine 40 %, et qui a a fait adopter dans un premier temps des amendements constitutionnels lors d’un référendum le 1er novembre 2020, approuvé par seulement 23,7 % électeurs.
La deuxième étape, les élections législatives anticipées en Algérie, un scrutin rejeté par la société civile, ont été marquées, le 12 juin, par une très forte abstention. Le taux de participation national n’a atteint que 30,20 %, le score le plus faible depuis au moins vingt ans pour des législatives, selon le président de l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE), Mohamed Chorfi. À titre de comparaison, il se situait à 35,70 % lors des législatives de 2017 (42,90 % en 2012). Les arrestations à 48 heures du scrutin des militants Khaled Drareni et Karim Tabbou a achevé de confirmer l’option sécuritaire adoptée par le régime contre les piliers du mouvement protestataire.
Les Algérois ont défilé au compte-gouttes dans les isoloirs. En Kabylie (nord-est), la quasi-totalité des bureaux de vote a été fermée à Béjaïa et Tizi Ouzou, les villes les plus peuplées de la région berbérophone, selon la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH) et le Comité national pour la libération des détenus (CNLD). Des rixes ont éclaté dans plusieurs communes kabyles, avec saccage des urnes, et les forces de l’ordre ont procédé à des dizaines d’interpellations, selon des collectifs locaux.
Le régime algérien, lors de ces élections, prépare sa victoire par une sorte de mobilisation de tout un personnel de combat, par l’action intense et multiple de sa propagande. Il ne s’est pas aperçu qu’en entrant aussitôt, comme il l’a fait, dans une voie de poursuites judiciaires iniques et de procès rapides à tout propos contre les militants il risquait d’exciter l’opinion sans la dominer et de se laisser entraîner à des excès de répression condamnés par les ONG du monde entier. Des élections qui ne sont qu’un gâchis politique et administratif, qui peint la situation actuelle du pays.
La crise politique qui ébranle aujourd’hui l’Algérie, qui touche au plus profond de sa vie intérieure, perdure, mais le régime joue indéfiniment avec le feu, au lieu d’aller franchement et sans hésiter à une solution. L’opposition réclame un changement radical afin de redresser et de modifier la direction des affaires algériennes. Le régime multiplie les temporisations inutiles, compromet la marche régulière des institutions qui restent, pour ainsi dire, en suspens. Le Hirak dit sans cesse que c’est une nécessité morale, politique, de premier ordre, de ne pas laisser indéfiniment les intérêts du pays en souffrance, lequel est placé entre les captations et les craintes d’un péril insaisissable pesant sur son avenir. Pour beaucoup, le régime algérien s’agite sur place, épuisant les subterfuges et les délais.
Cette fuite en avant du régime algérien était, à vrai dire, dans la nature des choses, un expédient de circonstance. Le pouvoir algérien laisse grandir l’équivoque sur l’avenir du pays, compte sur le temps pour concilier les dissidences, s’obstine à vouloir organiser seul les institutions tout en méconnaissant ses engagements, en comptant sur ceux qui ne demandaient pas mieux que d’accepter la situation telle qu’elle était. Pendant qu’il épuise tous les ménagements, le Hirak a redoublé d’audace, il a bruyamment défié, bravé le gouvernement, et il a été maté (2 000 personnes ont été arrêtées en deux semaines lors des deux dernières manifestations qui ont pu avoir lieu, au début de mai).
En Algérie, l’esprit de parti incarné par l’institution politico-militaire cherche à tout contrôler : sous quelque couleur qu’il s’abrite, il a cela de particulier qu’il ne prend en considération que ce qui lui plaît et que sur toute chose il a son thème tracé d’avance. Le respect de la vérité et du pays devient ce qu’il peut dans cet imbroglio où la volonté du régime se donne libre carrière. Le Hirak se demande jusqu’à quel point le pouvoir lui-même est intéressé à prolonger cette période ingrate, où l’Algérie, livrée aux chimères, fatiguée de contradictions et de crises, est réduite à se débattre dans l’incertitude en consultant vainement les augures.