Le régime d’Abdelmadjid Tebboune peut bien clamer sa rupture avec «l’ancien monde», les faits, indémontables, prouvent qu’il est dans la continuité, si ce n’est dans la transmission, d’un totalitarisme qui touche même le sport. L’exploit des Fennecs a été transformé en un instrument de propagande agressive à l’extérieur, et d’un moyen de maintenir une répression impitoyable à l’intérieur.
La sélection algérienne de football, a remporté pour la première fois la Coupe arabe en s’imposant (2-0) contre la Tunisie, samedi 18 décembre, au Qatar, au terme des prolongations. Le régime d’Abdelmadjid Tebboune a utilisé la retransmission télévisée de cette compétition à des fins nationalistes, un enfumage pour faire oublier une phase difficile dans la politique intérieure du pays. Quand le pain quotidien de la politique devient immangeable, on donne du football.
Dans une ambiance extrêmement lourde, la sélection algérienne et leur entraîneur ont posé, le 20 décembre, avec le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, le chef d’état-major Saïd Chengriha et le président du Sénat Salah Goudjil, qui ont brandi le trophée à tour de rôle. Une fâcheuse instrumentalisation qui peine à éluder la réalité : la mise au pas systématique de toute expression démocratique en Algérie, les méthodes mafieuses d’intimidation des populations, les agissements d’un État liberticide impuissant, au moment où, par exemple, des acteurs du ballon rond se sont mobilisés face au manque d’oxygène en Algérie, en pleine troisième vague Covid-19. L’argent prévu par les Ultras du Mouloudia Club d’Alger (MCA) pour fêter le centenaire de cette équipe phare du football algérien a été reversé pour fournir des bouteilles d’oxygène aux patients malades du Covid-19, tandis que le régime algérien était dans le déni.
Les célébrations de la victoire algérienne n’ont pas seulement donné lieu à des affrontements avec les forces de l’ordre en France, mais également à une effrénée propagande de la part du régime. Cinquante-cinq personnes ont été interpellées samedi soir et dans la nuit de samedi à dimanche en France lors de rassemblements de supporteurs, d’après des sources policières, dimanche. Selon un bilan définitif le 19 décembre, à Paris, 32 personnes ont été interpellées et 432 ont été verbalisées pour non-respect de l’arrêté préfectoral qui interdisait l’accès des Champs-Elysées aux supporters ou pour infractions routières, a rapporté sur Twitter la Préfecture de police de Paris.
Dans le reste de la France, 23 personnes ont été interpellées. En Algérie, le régime, qui cherche à établir fermement son pouvoir en répudiant ouvertement le régime précédent et en édifiant un État quasi-dictatorial, a surtout donné l’impression de vouloir profiter du bon parcours des Fennecs pour redorer une image ternie par sa gestion calamiteuse des crises qui ravagent l’Algérie.
La FIFA a suspendu plusieurs fédérations sportives au cours des dernières années pour, la plupart du temps, le motif d’ingérence gouvernementale. Cette réception incarne le non-respect des règles démocratiques supposées régir la vie du football algérien. Pire, les chaînes de télévision proche du régime, les administrations, les médias se sont mus ainsi en canaux inédits et puissants de la mobilisation et de la nationalisation des masses par la grâce des exploits des Fennecs. Le régime a cherché à construire une imagerie de rassemblement, dont la fonction essentielle était de faire taire les critiques sur sa gestion calamiteuse du pays.