Les protagonistes de la décennie noire en Algérie sont en train de prendre leur revanche. Humiliés depuis le démantèlement du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), anciens services secrets, en 2015, les disciples du général Toufik ont bouclé la boucle après le dernier décret présidentiel leur permettant de diriger les administrations civiles.
Les ex-DRS n’ont pas oublié l’affront que leur a infligé le clan du défunt président Abdelaziz Bouteflika, qui les a chassés de leurs positions de privilège dans les secteurs stratégiques du pays, comme les hydrocarbures et les collectivités territoriales, avant de leur porter le coup de grâce par la mise à mort du DRS et sa dissolution définitive.
La chute du régime Bouteflika à la suite du Hirak populaire, puis la désignation du président Abdelmadjid Tebboune, ont encouragé les ex-DRS à quitter leurs terriers, particulièrement après la sortie de prison de leur gourou, le général Toufik, surnommé «Rab Dzair» (littéralement Dieu de l’Algérie) dans les années 1990. C’était lui qui faisait le bon et le mauvais temps dans le pays.
Mettant à profit la faiblesse du président actuel, les officiers de la décennie noire ont tissé, à nouveau, un réseau tentaculaire pour contrôler tous les rouages de l’Etat. Le dernier acte de la mainmise totale est le décret présidentiel (24-218 daté du 27 juin 2024) ouvrant la voie au détachement des officiers généraux et des officiers supérieurs dans des postes de haut niveau au sein de l’administration civile publique.
Le document, publié récemment au Bulletin officiel, souligne que «le détachement est une position statutaire dans laquelle sont placés les personnels militaires de carrière et contractuels hors des corps constitutifs de l’Armée nationale populaire, pour occuper un emploi dans une administration civile publique.» Il prévoit également «le détachement des officiers généraux et des officiers supérieurs pour occuper certaines fonctions supérieures de l’Etat au sein des secteurs stratégiques et sensibles en termes de souveraineté et d’intérêts vitaux pour le pays et sa prolongation.»
Le président désigné acte, ainsi, la militarisation définitive de la société algérienne, qui doit s’attendre à un noyautage en règle des structures civiles nationales. Les officiers de la décennie noire ne sont pas rassasiés et paraissent affamés de pouvoir plus que jamais.