La sélection algérienne de football a remporté pour la première fois la Coupe arabe en s’imposant (2-0) contre la Tunisie, samedi 18 décembre, au Qatar, au terme des prolongations. Il a suffi d’une caricature pour que ressurgisse la mémoire manipulée qui procède par effacement, tronquant les fondements de l’identité algérienne en éludant la diversité culturelle du pays.
Le quotidien algérien francophone El Watan, dans un caricature qui a suscité un tollé, a dépeint un joueur brandissant le trophée de la Coupe arabe; dont l’interposition de son image représente le symbole amazigh ⵣ, appelé yaz, symbole de l’Aurès et de la Kabylie, deux régions berbérophones historiquement rebelles. En Algérie, la revendication de l’amazighité comme la question identitaire sont les sujets les plus sensibles qui ont émaillé la période postcoloniale. Beaucoup de réactions ont accusé le journal de consacrer l’idée qui assimile l’Algérie à un «État arabe» opprimant sa «minorité kabyle», laquelle aurait évolué politiquement en entière autarcie par rapport aux autres régions.
Refoulée en raison de l’exigence nationaliste du régime actuel, la particularité berbère apparaît en opposition frontale à l’arabisation. En dehors des circuits institutionnels de l’État, les défenseurs kabyles travaillent à l’éveil des consciences sur la menace qui pèse sur leur identité linguistique et culturelle.
Le même quotidien s’est retrouvé sous le feu des critiques, fin septembre, pour avoir publié une photo retouchée occultant le minaret de la Grande Mosquée d’Alger. La photo montrait le passage du convoi funéraire de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika, mais l’imposant minaret de la mosquée en arrière-plan en avait été supprimé, suscitant de vives critiques d’internautes outrés sur les réseaux sociaux.
Devant ce tollé, le quotidien francophone s’est excusé sur son site, évoquant un «malheureux traitement technique au niveau du service PAO [publication assistée par ordinateur] du journal». Il a assuré qu’il s’agissait d’«un incident purement technique [qui] n’a rien à voir avec un quelconque calcul idéologique, comme tentent de le distiller des cercles connus pour leur hostilité à El Watan.»
Le ministère de la communication a dénoncé un «comportement étrange et injustifié» et une «violation flagrante des lois» régissant la Grande Mosquée d’Alger, condamnant «fermement et clairement» la suppression du minaret. Le ministère des affaires religieuses a pour sa part estimé dans un communiqué que la publication de cette photo constituait «une violation qui devrait donner lieu à des mesures administratives et des poursuites judiciaires».
En 2013, le quotidien francophone algérien privé a annoncé s’être vu interdire la tenue d’un débat sur l’économie prévu samedi à Alger, alors qu’il organise ce type de débats depuis plusieurs années.
En Algérie, le pouvoir est le plus gros annonceur en Algérie où la publicité des administrations et entreprises publiques est confiée par la loi exclusivement à l’Agence nationale d’édition et de publicité (ANEP). El Watan, qui souffre financièrement, affirme les autorités ont privé le journal de publicité en représailles à des propos critiques envers le président algérien Abdelmadjid Tebboune. L’ANEP est régulièrement accusée d’être un instrument politique, de trier les supports à qui elle achète des encarts non en fonction de leur audience ou tirage mais de leur ligne éditoriale consacrée au pouvoir.