Meetings perturbés, administrations murées, panneaux électoraux détournés : La campagne électorale agitée pour la présidentielle du 12 décembre en Algérie met en lumière le contexte tendu et risqué dans lequel se prépare un scrutin rejeté par une large partie de la population.
Depuis le début de la campagne, le 17 novembre, les cinq candidats évitent les grandes villes du nord du pays, les plus peuplées, et annoncent souvent leurs déplacements à la dernière minute. Ce qui n’empêche pas qu’ils soient régulièrement accueillis par des manifestants hostiles réussissant parfois à perturber leurs meetings, malgré un fort déploiement policier permanent.
Tous ont participé ou soutenu, plus ou moins longtemps, la présidence d’Abdelaziz Bouteflika, contraint en avril à la démission, après 20 ans de pouvoir, par un mouvement de contestation populaire inédit.
Mais les contestataires voient en outre en eux des complices du pouvoir, de facto aux mains, depuis la démission de Abdelaziz Bouteflika, du haut commandement militaire, incarné par le général Ahmad Gaïd Salah, chef d’état-major de l’armée.
S’exprimant dans de petites salles souvent peu remplies, les candidats tentent difficilement de convaincre de leur soutien à la rue et de faire croire qu’ils accéderont à ses revendications. Ils peinent surtout à persuader les citoyens d’aller voter le 12 décembre, dans un pays où l’abstention, vue comme l’unique voie de contestation d’un régime figé, était forte ces dernières années.
Les opposants au scrutin ne désarment pas. Partout, les affiches sont arrachées des panneaux électoraux, désormais vides ou couverts de graffitis, ornés symboliquement de portraits de figures du mouvement contestataire incarcérées ou de sacs poubelles pleins suspendus.
Le général Gaïd Salah multiplie les mises en garde contre les opposants à l’élection, implicitement assimilés à des traîtres à la patrie. Les « marches spontanées » de soutien agacent les contestataires et provoquent des contre-manifestations souvent réprimées.
Les observateurs s’inquiètent ainsi du «risque de dérapages» et de violences dans un contexte où le pouvoir cherche à «dresser une partie de la population contre une autre», alors que la protestation a toujours revendiqué son pacifisme et l’a fait respecter dans ses rangs.