La perspective d’une réforme fiscale majeure en Espagne qui toucherait les acheteurs étrangers non résidents hors de l’Union européenne fait trembler le secteur immobilier, particulièrement dans le segment du luxe. Cette mesure, qui pourrait imposer une taxe confiscatoire équivalent à 100 % de la valeur des biens, inquiète les investisseurs marocains, acteurs historiques de ce marché.
Le gouvernement espagnol envisage d’appliquer cette fiscalité soit par une refonte de l’impôt sur les transmissions patrimoniales, soit par l’introduction d’une taxe spécifique sur les acquisitions. Dans ce contexte d’incertitude, les agences immobilières, telles que Spain Sotheby’s International Realty, exhortent leurs clients marocains à accélérer leurs projets d’achat avant l’entrée en vigueur de cette réforme.
«Nous avons des échanges réguliers avec des investisseurs marocains, canadiens et américains. Nous leur conseillons d’acheter dès maintenant afin d’éviter les éventuelles restrictions fiscales qui pourraient survenir», affirme Paloma Pérez Bravo, directrice générale de Spain Sotheby’s International Realty.
Cette proposition gouvernementale, bien qu’encore floue, suscite de nombreuses interrogations. Certains professionnels du secteur doutent de sa faisabilité, affirmant que le texte «relève plus d’un effet d’annonce que d’un projet concret. Il serait incohérent de freiner les investissements étrangers, qui jouent un rôle clé dans la croissance économique espagnole», a-t-on indiqué.
Les Marocains, un public clé du marché immobilier espagnol
Les Marocains figurent parmi les principaux investisseurs étrangers en Espagne. En 2024, ils ont réalisé 109 acquisitions immobilières au premier semestre, ce qui atteste leur présence dans des régions prisées comme l’Andalousie, la Catalogne ou la Communauté valencienne. Ces achats traduisent à la fois un intérêt pour la proximité géographique, un attrait pour le cadre de vie espagnol et des perspectives éducatives pour leurs enfants.
La suppression imminente des “golden visas”, prévue pour avril 2025, complique encore la situation pour les investisseurs marocains. Ce programme permettait aux acheteurs de bénéficier d’un permis de résidence en contrepartie d’un investissement immobilier significatif. «Bien qu’il n’ait jamais représenté un volume énorme, le golden visa reste une porte d’entrée vers l’Europe pour des familles marocaines cherchant à scolariser leurs enfants en Espagne», selon une source proche du dossier.
Les investisseurs marocains sont désormais confrontés à un dilemme : anticiper et conclure leurs transactions avant l’instauration de ces mesures fiscales, ou attendre au risque de subir des conditions nettement plus défavorables. Pour l’Espagne, l’enjeu est de taille. Si ces mesures venaient à se concrétiser, elles pourraient compromettre l’attractivité du marché immobilier pour les investisseurs étrangers et pousser ces derniers à privilégier des destinations européennes concurrentes, telles que le Portugal ou la Grèce, où les politiques fiscales demeurent plus accueillantes.