Le premier ministre Abiy Ahmed a affirmé qu’aucune négociation ne commencerait avant que le TPLF soit totalement désarmé.
Diverses médiations tentaient de s’organiser, lundi 16 novembre, pour faire cesser le conflit qui oppose depuis le 4 novembre l’armée fédérale éthiopienne aux forces de la région dissidente du Tigré, après un week-end marqué par une dangereuse escalade.
A la tête de cette région du nord de l’Ethiopie, le Front de libération des peuples du Tigré (TPLF) a tiré samedi plusieurs «roquettes» sur Asmara, capitale de l’Erythrée voisine, qu’il accuse de prêter main-forte militairement à l’armée fédérale éthiopienne. La veille, le TPLF avait aussi tiré des « missiles » sur deux aéroports de la région éthiopienne voisine d’Amhara. Cette escalade hors du Tigré renforce les craintes que la guerre dégénère en un conflit incontrôlable et déstabilise toute la Corne de l’Afrique.
Outre des pertes «importantes» en vies humaines, ce conflit va «déclencher une vague de migration et de déplacements internes potentiellement risquée pour la stabilité de la région», explique Sanya Suri, analyste Afrique de l’Est à The Economist Intelligence Unit. Le Haut Commissariat de l’ONU aux réfugiés (HCR) a dit s’attendre à une vague massive de réfugiés au Soudan voisin, où près de 25 000 Ethiopiens ont déjà fui les combats.
«Le gouvernement ne fera aucune concession majeure»
«Il faut qu’il y ait des négociations et que le conflit s’arrête», a déclaré le président ougandais, Yoweri Museveni, après avoir reçu à Gulu, dans le nord de l’Ouganda, le vice-premier ministre et ministre des affaires étrangères éthiopien, Demeke Mekonnen Hassen. La veille, des responsables gouvernementaux avaient indiqué à l’AFP, sous le couvert de l’anonymat, que M. Museveni recevrait lundi des représentants du gouvernement et du TPLF afin d’engager une médiation.
Mais pour l’heure, chacun des deux camps nie participer à un quelconque dialogue avec l’autre et aucune information n’a filtré lundi sur une éventuelle présence en Ouganda d’une délégation du TPLF. Lundi matin, la cellule de crise du gouvernement éthiopien avait qualifié de « fausses » les « informations selon lesquelles des responsables éthiopiens prendront part à une médiation avec le TPLF en Ouganda». Et dimanche, le ministère éthiopien des affaires étrangères avait dit à l’AFP «ne pas être au courant» d’un déplacement du ministre en Ouganda. Le président du Tigré a également indiqué lundi «ne pas être au courant de cette initiative» ougandaise.
Parallèlement, le gouvernement éthiopien et l’Union africaine (UA) – dont le siège est à Addis-Abeba – ont dit lundi à l’AFP ne pas avoir d’informations concernant une éventuelle mission de médiation de l’ex-président nigérian Olusegun Obasanjo. Celui-ci était pourtant «en route» lundi vers Addis-Abeba pour «des pourparlers» dans le cadre d’une «mission de médiation», a fait savoir son porte-parole, Kehinde Akiyemi, à l’AFP. Mais selon l’analyste Sanya Suri, «de quelconques négociations avec le TPLF ne seront envisagées par le gouvernement fédéral qu’une fois qu’il aura totalement mis à genoux la milice du Tigré et les poids lourds du TPLF » et, quoi qu’il en soit, «le gouvernement fédéral ne fera aucune concession majeure».
«Le TPLF a compromis l’ordre constitutionnel»
Le premier ministre Abiy Ahmed, Prix Nobel de la paix en 2019, a récemment affirmé qu’aucuns pourparlers ne commenceraient avant que les autorités du Tigré soient totalement désarmées. Et lundi, la chambre haute du Parlement éthiopien a critiqué les appels au dialogue, car gouvernement et TPLF ne sont «en aucun cas sur un pied d’égalité d’un point de vue légal et moral». «Le TPLF a violé la Constitution et compromis l’ordre constitutionnel. Le gouvernement fédéral travaille seulement à le rétablir», indique-t-elle dans un communiqué.
«L’Ethiopie vaincra», a martelé dimanche M. Abiy, assurant que la campagne militaire qu’il a lancée le 4 novembre au Tigré, après des mois de tension avec un TPLF défiant son autorité, « progressait bien ». Le gouvernement, qui dit déjà contrôler la zone occidentale du Tigré, frontalière du Soudan, a annoncé dimanche la prise d’Alamata, ville située à 180 km de route au sud de la capitale régionale, Mekele. Mais le black-out imposé à la région et les restrictions aux déplacements des journalistes rendent difficiles la vérification des affirmations de l’un et l’autre camp et l’appréciation de la situation militaire sur le terrain.
Le TPLF a durant presque trente ans contrôlé l’appareil politique et sécuritaire éthiopien, avant d’être progressivement mis à l’écart par M. Abiy depuis que celui-ci est devenu premier ministre, en 2018. Plusieurs mois de tensions ont culminé avec l’organisation au Tigré d’un scrutin qualifié d’«illégitime» par le gouvernement fédéral et le refus du TPLF de laisser un général de l’armée fédérale prendre ses fonctions au Tigré. En envoyant l’armée au Tigré, M. Abiy affirme avoir répondu aux attaques de deux bases militaires de la région par les forces du TPLF.