Abdelilah Benkiran du PJD (Parti justice et développement, islamiste), tente de rebondir. L’attention publique qui s’était d’abord fixée sur lui s’en était peu à peu détournée. Une situation intolérable pour celui qui ménage ses effets pour tenter de leur donner de la voix.
Le fantôme d’Abdel Ilah Benkiran, ancien chef de la coalition qui a gouverné le Maroc – une alliance hétéroclite de quatre formations rassemblant islamistes, conservateurs, libéraux et ex-communistes (2012-2017), se dresse de nouveau sur l’horizon politique. Alors que l’aile droite du parti islamiste n’a cependant pas cessé de s’agiter contre la ligne du chef du gouvernement Saadeddine El Othmani, Benkirane, dont la retraite dorée au frais des contribuables fait encore polémique, a une nouvelle fois exprimé ses réserves sur la réforme de l’éducation, défendant l’arabisation des programmes scolaires. Plusieurs tendances, composée de laïques et de progressistes, défendent l’instauration de capacités langagières et de compétences transversales dans l’éducation, tandis que Benkirane fustige la prédominance de la langue française au détriment des langues nationales. Ce dernier, en agitant ce sujet, évite d’évoquer son bilan relatif des principaux dossiers stratégiques du Maroc (régionalisation, réformes économiques, investissements et plans de développement sectoriels) qui s’avère désastreux.
Pour l’analyste Omar Cherkaoui, qui s’est confié à Barlamane.com, Benkiran, isolé depuis des années, a pleine conscience des limites de sa situation actuelle. Selon l’analyste, l’ancien patron du PJD dépense des trésors de patience et d’efforts pour revenir sur le devant de la scène». Pour Benkiran, «la porte reste ouverte aux manœuvres et aux espérances» affirme Cherkaoui, qui ajoute que «la politique de fond de Benkirane, impulsive, travaille à l’anéantissement des fondements de son parti et à créer un vide constitutionnel.» La situation des affaires du PJD est encore un thème favori du responsable déchu. Dans ses déclarations, dans ses live sur Facebook, il se récrie contre l’abaissement de la popularité de son parti, et dénonce les concessions qu’accordent ses « frères » à leurs adversaires idéologiques sur le terrain des libertés individuelles, du progressisme, des mœurs et de la place des femmes dans la société marocaine.
Pour Cherkaoui, le scrutin de 2021 pèse sur les positions d’Abdel Ilah Benkiran ainsi que les ententes qui pourront en résulter. Il utilise les inquiétudes de son parti à son profit. La politique du maintien des alliances, et celle de la rupture, surtout avec le Parti authenticité et modernité (PAM, centre gauche), première formation de l’opposition, est au centre de toutes ses opinions. Selon Omar Cherkaoui, Benkiran n’évoque la «main invisible» de «l’État profond» que pour se proclamer ultime rempart, unique point de repère, seul point d’appui, contre les ennemis de l’expérience islamiste. L’analyste affirme que «l’empire des faits et les nécessités politiques» entravent la démarche de l’ancien chef du gouvernement de redevenir maître du pouvoir. «Benkiran souhaite la démission d’El Othmani, synonyme d’une crise politique, d’une nouvelle péripétie ministérielle, d’une dissolution de la majorité, dissolution qui pourrait devenir pour le pays une cause d’agitation», détaille Cherkaoui. «Le PJD songe à faire cause commune avec le PAM, alors que Benkiran déclare très haut que toute alliance parlementaire ou électorale est impossible avec les libéraux. Théoriquement, cette entente est devenue pour le moins bien difficile, en raison des divergences qui persistent», indique Cherkaoui.
Benkiran était déjà à la tête du gouvernement de coalition pendant cinq ans, depuis 2011. Alors que la discussion de la loi sur l’enseignement est encore en cours, comprime la grande question de la réforme de l’éducation sous des artifices de procédure et avec une pléthore d’interventions néo-populistes. Pour Cherkaoui, Benkiran a toujours mal servi l’esprit politique et a raté le rendez-vous avec l’attente du Maroc, celui qui aspirait à des réformes générales. Comme tout populiste, Abdelilah Benkiran ne s’occupait pas de politique, mais la politique s’occupait de lui.