Parmi les personnes condamnées figurent notamment des pilotes qui ont bombardé plusieurs sites de la capitale Ankara, comme le Parlement.
Un tribunal turc a condamné, jeudi 26 novembre, 27 personnes, dont une majorité d’officiers et de pilotes, à la prison à vie à l’issue du principal procès sur une tentative de coup d’Etat ayant visé en 2016 le président Recep Tayyip Erdoğan. Ces personnes ont été reconnues coupables notamment de «tentative de renversement de l’ordre constitutionnel», de «tentative d’assassinat du président» et d’«homicides volontaires».
Parmi les personnes condamnées figurent notamment des pilotes qui ont bombardé plusieurs sites emblématiques de la capitale Ankara, comme le Parlement, et des officiers qui ont dirigé le coup de force depuis la base militaire d’Akinci. Quatre civils, dont l’homme d’affaires Kemal Batmaz, ont, en outre, été condamnés chacun à 79 peines de prison à perpétuité aggravées. La peine de prison à vie « aggravée », qui comporte des conditions de détention plus strictes, a remplacé dans l’arsenal juridique turc la peine de mort abolie en 2004.
Par ailleurs, 60 personnes ont été condamnées à diverses peines de prison et 75 acquittées, à l’issue de ce procès où comparaissaient près de 500 accusés.
Dans la matinée, le tribunal a lu une partie du verdict, annonçant la condamnation de 27 personnes à la prison à vie. La décision de justice motivée et détaillée devait être publiée plus tard jeudi. « Justice a été rendue. L’Etat n’a pas laissé le sang des martyrs et des blessés invengé », a déclaré Ufuk Yegin, président d’une association de proches de victimes, à l’issue de l’audience.
La tentative de coup d’Etat a officiellement fait 251 morts, hors putschistes, et plus de 2 000 blessés. Cet événement, qui a traumatisé la Turquie, a donné lieu à des purges d’envergure et conduit le président Erdogan à élargir ses pouvoirs.
Bombardements dans la capitale
Dans la nuit du 15 au 16 juillet 2016, Ankara a été le théâtre d’actions particulièrement violentes de la part des putschistes. Des bombes larguées par des F16 ont ciblé à trois reprises l’Assemblée nationale, ainsi que des routes autour du palais présidentiel, le siège des forces spéciales et celui de la police.
Les bombardements ont fait 68 morts et plus de 200 blessés dans la capitale. Neuf civils ont été tués lors d’une tentative de résistance face aux putschistes à l’entrée de la base d’Akinci.
Le procès qui s’est conclu, jeudi, avait débuté en 2017 dans la plus grande salle d’audience du pays, spécialement construite dans le complexe pénitentiaire de Sincan, dans la province d’Ankara. En dépit de l’épidémie de la Covid-19, de nombreux proches de victimes ont fait le déplacement, jeudi, pour assister à la dernière audience qui s’est déroulée sous haute surveillance policière.
289 procès en lien avec la tentative de coup d’Etat déjà achevés
M. Erdogan accuse le prédicateur Fethullah Gülen d’avoir ourdi la tentative de putsch. M. Gülen, un ancien allié du président turc qui réside aux Etats-Unis, nie toute implication. Ce dernier était lui aussi jugé par contumace, de même qu’Adil Öksüz, un professeur de théologie, qu’Ankara considère comme le chef opérationnel des putschistes. Leurs dossiers ont été séparés pour donner lieu à une nouvelle procédure.
Depuis le coup d’Etat avorté, les autorités traquent sans relâche les partisans de M. Gülen et ont déclenché des purges d’une ampleur sans précédent dans l’histoire moderne de la Turquie.
Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont été arrêtées et plus de 140 000 limogées ou suspendues de leurs fonctions. Les vagues d’arrestations se poursuivent à ce jour, bien que leur rythme est devenu moins intense cinq ans après la tentative de putsch.
D’autres procès, avec un nombre encore plus important d’accusés, sont en cours. Plus de 520 personnes sont ainsi jugées dans un procès en lien avec les activités de la garde présidentielle pendant la nuit du putsch manqué. Pas moins de 289 procès en lien avec la tentative de coup d’Etat se sont déjà achevés, alors que dix autres se poursuivent. Les tribunaux ont, à ce jour, condamné plus de 4 100 personnes, infligeant des peines de prison à vie à plus de 2 500 d’entre elles, selon les chiffres officiels.