Pas besoin d’être un expert du prétoire pour s’enfiler la toge du parquet ou de la défense pour juger Eric Laurent, mis en examen avec sa co-auteure pour tentative de chantage et d’extorsion de fonds contre le roi Mohammed VI.
Alors que tout le monde pensait qu’il allait se tenir à carreau pendant la période qui le sépare du procès, le voila qui se confie au quotidien »le Monde » dans un entretien qui s’apparente à un véritable réquisitoire contre sa propre personne.
On le pensait crédule, voire naïf, mais en parcourant cet entretien accordé à chaud alors qu’il n’a pas encore repris tous ses esprits après sa mésaventure, Eric Laurent, tel un loup traqué, ne sait plus où donner de la tète. Il s’enfonce tête baissée dans l’abîme!
Tout en reconnaissant l’existence du « deal financier » révélé par son avocat, le voila en train de parler de « proposition » faite par un émissaire de Mohammed VI, proposition acceptée à la fois pour des raisons personnelles, et pour ne pas « déstabiliser le Maroc ».
Rien que ça. Tel un épouvantail, il assure aujourd’hui avoir l’intention de terminer et de publier l’ouvrage. Ce tsunami qui viendrait rayer tout un pays de la carte. Le peuple marocain n’a qu’à bien se tenir, car le brûlot d’Eric Laurent, encore en gestation, risque de mettre le feu à la baraque. Pour éviter un tel scénario catastrophe, il suffit de mettre la main dans la poche, 2 ou 3 millions d’euros, juste pour soigner sa femme atteinte d’un cancer.
En somme pas grand-chose surtout que ladite somme devait être partagée en deux avec sa co-auteure Catherine Graciet. Peu importe pour Eric Laurent que le contribuable marocain paie la note d’hôpital d’une ressortissante française censée être couverte par la sécurité sociale française!
Et puis, hormis le problème de sa femme, il y a autre chose qui l’inquiète en publiant ce fameux livre dont il est question. « D’abord le sujet. Il est extrêmement sensible, très délicat. J’ai exercé ce métier pendant 30 ans et j’avoue que là, j’en ai un peu assez. C’est un sujet très complexe concernant la famille royale et certains comportements. Donc je me dis : après tout, on n’a pas envie, quelles que soient les réserves que l’on peut avoir sur la monarchie, que s’instaure une république islamique. S’il propose une transaction, pourquoi pas ».
Merci M. Laurent de nous éviter une république islamique. Vous pensez à nous, pauvres marocains, qui croyions que l’époque de la tutelle politique était révolue, mais vous voila en train de nous guider sur le chemin de la paix et de la quiétude par acquis de conscience.
Nous tenons au passage à vous faire part de notre compassion et de notre souhait d’un prompt rétablissement pour votre femme « extrêmement malade » et dont l’état s’aggrave de jour en jour malgré les opérations, des chimiothérapies très lourdes ». Mais les marocains voudraient savoir si vous faites chanter leur Roi pour pouvoir guérir votre femme, ou pour leur éviter une république à la Daech.
Dans son entretien, Eric Laurent jure la main sur le cœur qu’il n’est pas venu pour quémander de l’argent en échange de la non-publication de son brûlot qui allait « ébranler » la famille royale. Il avoue avoir lui-même « peur » de son enquête. « Oui, bien sûr. Cette enquête me faisait peur. On se disait « quelles seront les conséquences ? » Dieu seul sait qu’elles auraient pu être ces conséquences, mais en attendant la proposition qui lui a été faite, « me paraissait être un compromis ».
Mais que pense Eric Laurent de la co-auteure de ce fameux livre ? « Soyons clair : du début à la fin, Catherine Graciet a tout approuvé. Avant cette réunion, nous préparions les choses ensemble. Donc aller dire aujourd’hui que j’ai tout mené en solitaire, c’est absurde ».
Qui a dit que les deux prédateurs étaient soudés et solidaires dans leur sale besogne ? Le procès n’a même pas commencé que l’on assiste à des tiraillements entre eux. C’est comme les membres d’un gang qui, après avoir dévalisé une banque, se mettent à se tirer dessus.
Ce journaliste à l’imagination fertile ne s’arrête pas là. « . Quand l’arrestation a eu lieu, la voiture de la police a emprunté le périphérique et l’on se dirigeait vers Orly. Et là, j’étais inquiet, j’ai demandé où nous allions. J’ai eu l’impression d’être dans une situation à la Ben Barka ».
De quoi faire retourner ce dernier dans sa tombe. Même la juge d’instruction qui l’a inculpé n’est pas épargnée. « Quant à la juge, elle a été correcte. La mise en examen est l’aboutissement logique de ce qui précède, même si c’est un cadeau au souverain marocain ». Chacun en prend pour son grade avec Eric Laurent.
Quant à la question de savoir s’il a porté un quelconque préjudice à la profession, M. Laurent soutient mordicus « Non, pas du tout ». Il persiste et signe : « Je vous l’ai dit, ce sujet m’effrayait. Et j’ai d’autres centres d’intérêt. Déstabiliser un régime à travers un ouvrage dans un contexte géopolitique très particulier, cela ne me paraissait pas une bonne idée. Mon interlocuteur est arrivé au bon moment. Il a su exploiter cela. Puis il m’a piégé. Vous pouvez ne pas le croire, mais c’est lui qui m’a piégé ».
Oui bien sûr, mais en attendant, Eric Laurent qui veut être franc, a « très envie » de sortir son livre, mais ne sait pas si sa co-auteure, qui va certainement réagir à ses propos, « veut continuer cette collaboration ».
En accordant cet entretien au Monde, Eric Laurent vient tout simplement de signer son propre réquisitoire, facilitant ainsi la tâche au parquet et à la défense à charge.






