Il est le nouveau visage de la force Al-Qods. Esmaïl Qaani a été nommé vendredi 3 janvier à la tête de la force chargée des opérations extérieures de l’Iran par l’ayatollah Ali Khamenei. Si l’ancien chef-adjoint de la force Al-Qods a un long parcours de Gardien de la révolution et semble taillé pour assurer la continuité, il est loin d’avoir le charisme de son prédécesseur.
«Après le martyr du glorieux général Qassem Soleimani, je nomme le brigadier général Esmaïl Qaani commandant de la force Al-Qods» des Gardiens de la révolution, a déclaré l’ayatollah Ali Khamenei dès le 3 janvier.
Esmaïl Qaani était jusqu’ici chef-adjoint de la force Al-Qods. L’ayatollah Khamenei l’a décrit comme « l’un des commandants les plus décorés » des Gardiens de la révolution, l’armée idéologique iranienne, depuis la guerre Iran-Irak (1980-1988).
Si Qassem Soleimani était devenu depuis quelques années un visage un peu familier pour les observateurs, celui d’Esmaïl Qaani, est moins connu.
Originaire de la province du Khorassan, dans le nord-est du pays, Esmaïl Qaani serait né en 1957. Selon les éléments du chercheur Ali Alfoneh dans une note de l’Arab Gulf States Institute à Washington, Esmaïl Qaani a rejoint les Gardiens de la révolution très peu de temps après l’instauration de la république islamique de 1979, entre 1979 et début 1980. Son parcours le conduira au Kurdistan iranien pour combattre les séparatistes kurdes, et il participera aux combats de la guerre Iran-Irak (1980-1988), au cours de laquelle il se liera d’amitié avec Qassem Soleimani.
«Nous sommes des frères d’armes et c’est la guerre qui a fait de nous des amis», dira-t-il à son sujet dans un entretien de 2015 cité par Ali Alfoneh.
Il est ensuite nommé en 1987 à la tête du corps Ansar, qui opère en Afghanistan et au Pakistan, ce qui marquerait son entrée dans la force Qods.
«Quand Soleimani a été désigné à la tête de la force Qods, entre le 10 septembre 1997 et le 21 mars 1998, il a probablement désigné Qaani comme son adjoint», estime Ali Alfoneh, ajoutant que le chef se chargeait du front Ouest (Syrie, Irak, Yémen, Liban…) tandis que l’adjoint se chargeait de l’Est.
«Sur la partie orientale, l’Iran fait de la diplomatie mais ne fait pas la guerre», relève Thomas Flichy de La Neuville, professeur d’histoire des civilisations orientales à la Rennes School of business et chercheur associé à Oxford.
Si «Soleimani émerge rapidement comme un chef charismatique (…) Qaani semble plus cantonné à des tâches quotidiennes administratives et bureaucratiques», selon Ali Alfoneh.
C’est une des différences clés, selon les chercheurs: « Qaani n’a pas le charisme de Soleimani, ni sa compréhension du Levant », relève Annalisa Perteghella, chercheuse à l’institut italien ISPI.
«Soleimani était un magnétiseur, avec une grande puissance de persuasion, une grande puissance psychologique, c’était un peu Murat en Russie [maréchal de l’empire napoléonien dont les actions sur le champ de bataille étaient souvent décisives, NDLR]. Il y a une situation difficile, on envoie Murat avec trois cavaliers, et avec sa force de persuasion il arrive à magnétiser les troupes» et renverser la situation, explique Thomas Flichy de La Neuville.
Le profil d’Esmaïl Qaani semble le prédestiner à perpétuer l’héritage de son prédécesseur, d’autant que «les ordres de la force Al-Qods demeurent exactement les mêmes que sous la direction du martyr Soleimani», selon le guide suprême.
«À court et moyen terme, ce sera la continuité», selon Annalisa Perteghella, qui estime «qu’il pourrait y avoir des changements à plus long terme, mais nous restons en terrain connu.»