Jesse Morton, qui a poussé des djihadistes à tuer au nom d’Allah, est maintenant chercheur à l’université George Washington (Washington D.C.), où il entend « contrer » l’idéologie qu’il a embrassée pendant sept ans dans l’ombre d’Al Qaida, après une singulière déradicalisation.
L’américain de 38 ans a déclaré à ce propos: » Je ne pense pas que mon empreinte soit restée sur Internet. Mais je peux facilement être remplacé. Mon boulot c’est donc de contrer les idées ».
Battu par sa mère, il raconte que « personne n’est vraiment intervenu pour que ça s’arrête » et qu’il a perdu confiance dans la société.
Il quitte sa famille à 16 ans et se retrouve à la rue, où il vend de la drogue. « Je n’avais aucun sentiment d’appartenance ou d’identité américaine, je cherchais quelque chose, n’importe quoi ».
Il se convertit à l’ Islam par hasard quand un ami salafiste lui demande de réciter des mots en arabe, qu’il ne comprend pas, pendant que la police les encercle. « Je les ai prononcés et on n’a pas eu de problèmes, alors j’ai pensé « ouah c’est magique » ».
À la prison de Richmond (Virginie), un détenu marocain lui enseigne les bases de l’islam et le convainc de devenir « un vrai musulman ».
L’enrôlement, avec « Allah seul législateur », s’amplifie par la co-fondation fin 2007 du site internet Revolution Muslim, qui utilise YouTube, et profite d’une plus grande liberté d’expression qu’en Europe.
Puis viennent les attaques. Revolution Muslim relaie les messages d’Al-Qaïda et inspire notamment l’Américaine Colleen Larose, arrêtée fin 2009 quand elle s’apprêtait à tuer un caricaturiste suédois.
La police commence à s’inquiéter quand Revolution Muslim menace en 2009 de tuer les auteurs du dessin animé satirique South Park. Jesse Morton fuit début 2010 au Maroc, où il est récupéré par le FBI en octobre 2011 après cinq mois en prison.
Son bagage intellectuel et ses contacts intéressent beaucoup le FBI, avec lequel il finit par collaborer depuis sa cellule. « Ils m’ont fait comprendre qu’ils étaient là pour nous protéger et pas pour mener une guerre contre l’islam ».
Un travail fructueux car il mène à « une série réussie d’opérations de contre-terrorisme », selon lui. Grâce à ses bons services, il purgera moins de quatre ans de prison au lieu de onze et demi.
À noter que son embauche en août par l’université George Washington est une première aux États-Unis. « C’est quelqu’un qui non seulement s’est radicalisé mais a radicalisé et recruté d’autres gens », souligne Lorenzo Vidino, directeur du programme contre l’extrémisme de l’établissement.