Entre la femme ‘’rurale’’ de Nawal kandachi ou la femme symbole de modernité d’Amal Mabrouk, l’exposition ‘’Etre femme au Maroc’’, organisée du 8 au 14 novembre au Centre des Cultures Méditerranéennes (CCM) a tenté de cerner, à travers l’art, la place de la femme au sein de la société marocaine et mettre en scène l’importante présence des femmes-artistes de différentes générations et techniques témoignant de cette effervescence de l’art marocain au féminin.
Les évolutions sociales au Maroc après la moudawana, ne sont pas les seuls thèmes présents dans l’exposition, montée pour donner à voir plusieurs formes artistiques sur la femme plutôt qu’une vision purement sociale ou politique.
L’exposition regroupe quatre artistes qui, fort différents par leur parcours autant que par leur inspiration, proposent au regard de leurs visiteurs une collection de photos mêlant à une maîtrise certaine des techniques de prise de vues, une liberté et une spontanéité singulières.
Les œuvres exposées sont ainsi montées entre deux artistes hommes et deux artistes femmes, en référence à la consécration de la parité homme-femme, devenue un acquis incontestable depuis le 1er juillet 2011, date de l’adoption de la nouvelle Constitution marocaine.
Chaque artiste parmi les quatre présents, Nawal kandachi, Amal Mabrouk, Hamid Anachane et Jamal Addi, montre une vision personnelle qui surpasse souvent le contexte politique actuel. L’objectif est d’ouvrir, au-delà des clichés, à une compréhension nouvelle du rôle dévolu à la femme qui ne se reconnaît plus comme préposée à une seule fonction, la maternité.
Tirées ordinairement ou en couleurs, sur de petits formats ou grands, les photos exposées ne sont emblématiques d’aucun courant, d’aucune école artistique particulière. Ce sont autant de touches d’art qui ne projettent pas l’affirmation d’une identité puisqu’elles puisent leur essence de cette identité marocaine même, riche en signes et en symboles.
La citoyenneté tout comme la place de la femme dans la vie politique, ont été évoquées de manière explicite dans les tableaux et les photographies, mettant en évidence le combat mené par femmes et hommes pour la consécration de la parité. Les traditions ancestrales sont aussi mises à l’honneur à travers le photographe Addi qui s’est attaché à montrer le corps habillé de la femme par des motifs orientaux qui renvoient au look vestimentaire traditionnel. Le corps est photographié avec pudeur et le vestimentaire est présenté comme un support pour mettre en valeur une culture et sa richesse.
L’exposition révèle, outre l’art et la culture incarnés par la femme, le corps féminin dans sa fragilité. Cette réflexion autour d’un monde où chacun vit chez lui mais aussi ailleurs, évoque aussi la démarche de l’artiste Hamid Anachane qui s’emploie grâce à une technique particulière, à prendre des photos de la femme souvent en période de ‘’maternité’’. Des images, hétéroclites et composites transforment la femme en un être pluriel, éclaté et fragmenté. Il offre ainsi le panorama d’une femme à la fois passive et surprenante, poétique et mystérieuse.
Les photos du peintre sont en noir et blanc avec des traits souvent irréguliers dus aux bavures de l’encre mêlée à l’eau, pour faire dégager cette impression de tristesse où ces femmes enceintes ont toutes les yeux clos et semblent figées dans cette période importante de leur vie.
Quant à Amal Mabrouk, elle expose par son travail décalé et subversif, un univers angoissant et sombre. Ni la vocation extérieure, ni la destination future de ces femmes rurales ne sont clairement lisibles. Le temps paraît inconnu, le futur suspendu. Si leur devenir est incertain, leur identité l’est aussi. Ces photos réalisées lors de ses voyages solitaires à travers le Maroc, sont d’une grande poésie. Elles sont l’indice d’un drame sourd et violent. Elles engagent une réflexion sur le rôle et la place de la femme dans un environnement sociétal qui ne lui convient point.
L’œuvre de Nawal kandachi est quant à elle tout autre. A travers des photographies sans retouches qui représentent souvent des traits de lumière, il est difficile de discerner à première vue l’image de la femme. L’œuvre est beaucoup plus portée sur le symbolique et chaque photo reflète une signification plus abstraite orientée aussi vers un sens spirituel et religieux. Elle évoque désillusions et désespoirs en opposant à la surexposition médiatique, un monde poétique et silencieux. Nawal ne tente pas de recopier l’image sur la femme, mais d’y ajouter ses propres idées, réflexions et expériences en suivant profondément ses secrets, ses impulsions et son tempérament mélancolique.