Seuls 7 % des bureaux d’études ont obtenu 34 % des marchés en volume et 33 % en valeur selon le gendarme financier.
La présidente de la Cour des comptes, Zineb El Adaoui, a révélé, lors de la présentation de son rapport annuel devant le Parlement, un gaspillage manifeste de ressources publiques au sein des collectivités territoriales. Plus de 104 millions de dirhams ont été consacrés, entre 2019 et 2023, à des études techniques n’ayant abouti à aucun projet concret.
Les investigations menées par les chambres régionales des comptes à travers les différentes régions marocaines ont déterré des irrégularités notables dans la gestion des études techniques. Ces évaluations, confiées à des agences d’exécution, des sociétés de développement local ou directement aux collectivités territoriales, aspiraient à concevoir et suivre l’exécution de projets d’infrastructure et de développement. Pourtant, le constat est sans appel : dans plusieurs cas, ces études se sont avérées inutiles, leur coût faramineux demeurant injustifié.
Selon El Adaoui, la proportion des projets effectivement réalisés ou en cours d’exécution à la suite de ces études varie fortement d’une région à l’autre. Dans quatre régions, ce taux oscille entre 54 % et 92 %, tandis que dans quatre autres, il reste en deçà de 44 %. Sur la période examinée, pas moins de 8 007 études techniques ont été réalisées, mobilisant un montant global de 1,167 milliard de dirhams. Ces opérations ont donné lieu à la conclusion de 4 394 marchés publics, pour un montant dépassant 731 millions de dirhams, ainsi qu’à l’émission de 6 613 bons de commande, représentant un montant supérieur à 435 millions de dirhams.
Concentration coupable
Les domaines concernés sont variés, les études relatives aux routes et voies d’accès représentant 32 % du total, suivies par celles consacrées à la réhabilitation urbaine et aux infrastructures communautaires (22 %), aux bâtiments (17 %), et aux projets de raccordement à l’eau potable (10,2 %). Cependant, la Cour des comptes a relevé de nombreuses carences structurelles, parmi elles, «l’absence de précision dans la définition des projets objet des études, une estimation approximative des coûts et des composantes avant le lancement des appels d’offres ainsi que des lacunes dans le choix des bureaux d’études.»
Un constat frappant réside dans la concentration des marchés publics liés aux études techniques : seuls 7 % des bureaux d’études ont obtenu 34 % des marchés en volume et 33 % en valeur. Cette situation est encore plus flagrante dans le cas des bons de commande où 2 % des bureaux d’études ont bénéficié de 24 % des commandes, tant en volume qu’en montant.
La cour pointe également le non-respect des délais d’exécution, particulièrement dans le cadre des bons de commande, et le manque de suivi rigoureux des livrables. La présidente a souligné que nombre de livrables techniques ne faisaient pas l’objet d’une vérification approfondie pour s’assurer de leur conformité aux cahiers des charges. De surcroît, certains bureaux d’études contractés ne procèdent pas au suivi ni au contrôle des travaux découlant des études réalisées.
Face à ces lacunes, le rapport appelle «à une refonte des pratiques en mettant l’accent sur une gestion plus transparente et efficace des ressources publiques, en vue d’assurer une meilleure concrétisation des projets de développement au bénéfice des citoyens.»