L’audience particulière promise entre Pedro Sánchez et Joe Biden n’a eu lieu, ou presque. Des rapports laconiquement commencés entre les deux leaders, sévérement commentés en Espagne. Le secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg a, toutefois, lors d’une conférence de presse, évité de commenter la crise entre l’Espagne et le Maroc.
«Si vous clignez des yeux, vous allez manquer l’échange de Pedro Sánchez et Biden»: la plaisanterie, terrible, rapportée par Público, le quotidien national numérique espagnol, démontre l’ampleur du flop du premier contact entre Pedro Sánchez et Joe Biden, ainsi que les prétentions démesurées du chef du gouvernement espagnol dans l’arrangement final qui allait déterminer une rencontre qui n’a pas eu lieu. «Joe Biden a pris soin de respecter les formes du protocole officiel. Avec Pedro Sánchez, ce fut une communication de pure étiquette vite interrompue, mais le gouvernement espagnol affecte de ne pas paraître attacher à ce camouflet plus d’importance qu’ils n’en mérite. Les témoins attentifs de cette curieuse scène en était abasourdis» note la même source qui ajoute : «C’est l’un des spectacles affligeants donnés à notre pays, qui en a vu tant d’autres, que ce déclin de la politique espagnole».
Les membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) ont exprimé leur inquiétude lundi des ambitions déclarées de la Chine en Europe et de «la menace grandissante» du renforcement militaire de la Russie. Mais à Madrid, les 20 secondes de Pedro Sánchez avec Joe Biden ont éclipsé tous les sujets ; la Russie, la Chine, les nouvelles menaces dans l’espace et le cyberespace, le terrorisme, etc. «L’Espagne moderne a cessé d’avoir dans sa politique extérieure la liberté d’allure qui est un privilège précieux des gouvernements sûrs», s’étrangle chaîne TVE : le mécontentement contre Pedro Sánchez, président du gouvernement d’Espagne, dans son pays ne faiblit pas, après la petite scène laconique et chronométrée avec le président américain. «Les adversaires modérés du cabinet espagnol lui font un grief d’avoir laissé venir les circonstances qui le réduisaient à cette dure extrémité, celle de manquer à la parole de Madrid envers ses alliés, ou de déserter la cause des intérêts espagnols en multipliant les couacs politiques» tonne Le Vanguardia.
«Il n’y eut pas de moyens que n’employât le palais de la Moncloa (résidence officielle du président du gouvernement, NDLR) pour dissimuler cet échec. Il a pris un instant à tâche de donner à entendre que ce n’est qu’un premier échange pour prendre langue; mais l’orgueil offensé du chef du gouvernement a pris le dessus sur son impassibilité imperturbable. Cet échange ne mérite aucun mention particulière» indique 20 Minutos.
Pour les médias espagnols, le chef du gouvernement voulait se ménager à l’avance le concours de Joe Biden sur plusieurs dossiers. Confronté à plusieurs questions épineuses, à faces si divergentes, Pedro Sánchez cherche à sortir de certaines situations dans lesquelles il avait été jusqu’alors renfermé à dessein, en s’appuyant sur la bonne volonté de Bruxelles et de Washington. «Selon le Premier ministre, au cours de cette brève promenade, il a eu le temps d’évoquer le renforcement des liens militaires et l’actualisation de l’accord bilatéral de défense, que soutient l’Espagne, de la situation en Amérique latine, et du problème de l’immigration. “J’ai fait part de mon inquiétude concernant la situation migratoire et la pandémie dans cette région” et “je l’ai félicité pour le programme progressiste qu’il a mis en place”, a ajouté Sánchez, concernant ce qu’il a défini comme “un premier contact qu’ils attendent avec impatience rester en contact et collaborer”» rapporte El Periodico. En 20 secondes !
«Le fiasco de l’entretien entre le chef du gouvernement, Pedro Sánchez, et le président américain, Joe Biden, qui s’est finalement limité à une brève conversation en se promenant dans les couloirs du siège de l’OTAN à Bruxelles» écrit El Pais. «La première rencontre de Sánchez avec le nouveau locataire de la Maison Blanche, avec lequel il n’avait jamais parlé jusqu’à présent, aurait même été une bonne nouvelle si elle n’avait pas été précédée d’attentes démesurées. La Moncloa a confirmé la semaine dernière que tous deux auraient « une conversation » en marge du sommet ce lundi, ce qui n’impliquait pas une réunion formelle, mais pas une simple salutation formelle. Il a même été annoncé que dans l’entretien que la ministre des Affaires étrangères, Arancha González Laya, a tenu vendredi dernier avec son homologue américain, Antony Blinken, la rencontre entre les deux dirigeants avait été préparée, ce qui laissait entendre qu’elle aurait un ordre du jour et un contenu. Les signaux venus de Washington n’allaient cependant pas dans le même sens : le rendez-vous avec Sánchez n’était pas à l’ordre du jour de la Maison Blanche, dans lequel figuraient les rencontres de Biden avec le président turc et les dirigeants des trois républiques baltes» détaille la même source.
En Espagne, la classe politique espère que le retour à de meilleures relations avec Washington ne sera acheté par aucune faiblesse, par aucun abandon, par aucun renoncement ou compromis, par aucune concession de principes, par aucune déviation, si légère qu’elle fût, de la ligne de conduite habituelle de Madrid. «S’il n’hésite pas à s’engager résolument dans toutes les affaires, quelque compliquées qu’elles fussent, où le sort de Madrid est clairement engagé, il n’en est pas moins vrai que, dans les questions d’équilibre politique, les idées d’avenir de Pedro Sánchez n’ont aucune étendue. Il laisse apercevoir une irrésolution et une hésitation mal déguisées. Quelquefois il se jette avec une sorte d’entraînement dans des voies incertaines, puis il s’en retire avec une précipitation égale sitôt qu’il apercevait les moindres problèmes. Ces retours deviennent de véritables déroutes. La diplomatie espagnole est tenu en échec par l’esprit courtermiste» note Okdiario. «Il entretient des illusions sur la solidité du navire, jadis si puissant. Des pilotes plus confiants ont gouverné avant lui, qui ont mené le bâtiment se briser sur les écueils».