Plusieurs centaines de migrants, en grande partie des Afghans, ont été expulsés de la place, parfois sous les tirs de gaz lacrymogène et de grenades de désencerclement.
Plusieurs centaines de migrants, en errance depuis l’évacuation d’un important camp d’exilés la semaine dernière, ont monté, lundi 23 novembre, un nouveau campement dans le centre de Paris, que les forces de l’ordre ont aussitôt démantelé sans ménagement, provoquant un tollé dans une partie de la classe politique.
Lundi soir, environ 500 tentes bleues s’étaient déployées place de la République, vite investie par des centaines d’exilés, en grande majorité originaires d’Afghanistan. A peine une heure après l’installation, les forces de l’ordre ont commencé à enlever une partie des tentes, parfois avec des personnes encore à l’intérieur, sous les cris et huées de militants et de migrants. Et c’est finalement sous les tirs de gaz lacrymogène et de grenades de désencerclement que quelques centaines d’exilés et leurs soutiens ont été dispersés par les forces de l’ordre dans les rues adjacentes.
Plus tard dans la nuit, le ministre de l’intérieur français, Gérald Darmanin, a évoqué, sur Twitter, des images «choquantes». «Je viens de demander un rapport circonstancié sur la réalité des faits au préfet de police d’ici à demain midi. Je prendrai des décisions dès sa réception», a-t-il ajouté. Les ministres de la citoyenneté et du logement, Marlene Schiappa et Emmanuelle Wargon, ont quant à elles souligné, dans un communiqué commun publié mardi, que les migrants devaient être traités «avec humanité et fraternité».
«Heureusement qu’il y a ces images»
«Consternation», «indigne», «scandaleux»… Les images de l’évacuation ont déclenché un tollé dans une partie de la classe politique, à gauche et au sein de la majorité, mais aussi parmi les ONG et les organisations syndicales. «L’Etat donne de lui-même un spectacle lamentable» en apportant «une réponse policière à une situation sociale», a réagi auprès de l’Agence France-Presse (AFP) Ian Brossat, adjoint de la Mairie de Paris en charge notamment de l’accueil des réfugiés.
Le premier secrétaire du Parti socialiste (PS), Olivier Faure, a dénoncé sur Twitter «une chasse à la misère à coup de matraques», tandis que le porte-parole du PS, le député Boris Vallaud, a fait part, sur Twitter également, de sa «consternation» et de sa «tristesse» : «Ce gouvernement manque à tous ses devoirs, à commencer par celui d’humanité »
Invité de la matinale de RMC, le député Éric Coquerel (La France insoumise), qui était sur place au moment de l’évacuation, a dénoncé une répression «choquante», face à une «foule [qui] était pacifique». Comme d’autres personnalités politiques, l’élu se félicite que des images aient révélé ces agissements, alors que la proposition de loi de sécurité globale, qui doit être votée mardi après-midi à l’Assemblée nationale, prévoit de pénaliser la diffusion malveillante de l’image des policiers.
« Heureusement qu’il y a ces images », a réagi Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, sur France 2, en référence à ce texte de loi. «C’est digne d’un pays qui n’est pas la France», a estimé Philippe Martinez, le leader de la CGT, sur RMC, qui s’est lui aussi félicité «qu’il puisse y avoir des images».
240 places d’hébergement identifiées
De leurs côtés, la préfecture de police et celle de la région Ile-de-France (PRIF), qui gère les opérations de mise à l’abri, ont affirmé, dans un communiqué conjoint, que «la constitution de tels campements, organisée par certaines associations, n’[était] pas acceptable». «Toutes les personnes en besoin d’hébergement sont invitées à se présenter dans les accueils de jour où des orientations vers des solutions d’hébergement adaptées à leur situation sont proposées très régulièrement aux migrants», ont-elles ajouté.
Un important camp d’exilés près du Stade de France avait été évacué, mardi dernier, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Plus de 3 000 personnes, principalement des hommes afghans, avaient alors bénéficié d’une mise à l’abri dans des centres d’accueil ou des gymnases en Ile-de-France mardi dernier.
Mais entre 500 et 1 000 personnes se trouvaient depuis en errance dans les rues en lisière de Paris, selon les associations qui leur viennent en aide et qui dénoncent notamment des abus policiers. «Ils ont été laissés sur le carreau et invisibilisés, mais eux aussi ont besoin d’un hébergement, surtout en pleine crise sanitaire», a expliqué Maël de Marcellus, responsable parisien de l’association Utopia56. Les forces de l’ordre, elles, appliquent le principe de «zéro tolérance» pour les campements de migrants dans la capitale, institué par le préfet de police de Paris, Didier Lallement, en début d’année.
Depuis, beaucoup ont reculé vers la Seine-Saint-Denis. Mais en lisière de Paris, «l’invisibilisation» conduit à une «chasse à l’homme», explique Louis Barda, responsable des maraudes chez Médecins du monde. Selon ses remontées, les violences que subissent les exilés les poussent déjà à quitter Paris pour rejoindre Calais.
Mardi, Marlene Schiappa et Emmanuelle Wargon ont assuré que 240 places avaient été identifiées par le préfet de la région Ile-de-France, en centre d’accueil et d’examen des situations administratives et dans les structures de l’hébergement d’urgence. Les deux ministres ont également indiqué que «10 000 places [avaient] été créées depuis le 17 octobre» et que «4 500 places supplémentaires pour les demandeurs d’asile seront financées par le gouvernement en 2021».
«La mise à l’abri des migrants du campement de Saint-Denis restés à la rue est urgente, indispensable, indiscutable. Il en va de l’honneur de la République française», a réagi Delphine Rouilleault, directrice générale de France terre d’asile, association et opérateur de l’Etat sur la gestion des campements.