Les neuf juges de la Cour suprême des Etats-Unis sont apparus très divisés mardi dans une affaire d’un pâtissier ayant refusé de faire un gâteau de mariage pour un couple homosexuel.
Les quatre magistrats progressistes de l’institution ont semblé convaincus que le commerçant de l’Etat du Colorado se devait de servir tous ses clients, quelle que soit leur orientation sexuelle.
Mais les juges conservateurs de la haute cour ont prêté une oreille attentive à l’argument selon lequel Jack Phillips, le pâtissier, ne pouvait être forcé d’utiliser ses talents créatifs pour véhiculer un « message » contraire à ses convictions chrétiennes.
L’affaire, devenue emblématique bien qu’apparemment insolite, oppose ce pâtissier à deux hommes aujourd’hui mariés, Dave Mullins et Charlie Craig. Elle est porteuse de vastes enjeux pour la société américaine.
La Cour suprême doit trancher entre de grands principes: la liberté religieuse, l’égalité sexuelle et la liberté d’expression protégée par le premier amendement de la Constitution.
Le juge conservateur Anthony Kennedy, un catholique grâce auquel a été emportée la décision légalisant le mariage gay dans tous les Etats-Unis en 2015, jouera probablement un rôle crucial dans la décision.
L’audience solennelle de presque 90 minutes s’est déroulée tandis que des manifestants des deux camps (militants LGBT ou chrétiens conservateurs) étaient rassemblés à l’extérieur du grand édifice à colonnes de marbre blanc.
La première question débattue a été de savoir si un gâteau pouvait être une forme d’expression artistique représentant l’institution du mariage. « La principale raison d’être d’une nourriture est d’être mangée », a souligné la magistrate progressiste Sonia Sotomayor.
Mais l’avocate du pâtissier, Kristen Waggoner, a plaidé que son client était un artiste confectionnant des formes élaborées, avec des inscriptions, ses pièces montées étant surmontées de « sculptures temporaires ».
Le pâtissier Phillips est soutenu par une vingtaine d’Etats américains, des dizaines d’élus du Congrès et tout ce que l’Amérique compte de groupes chrétiens conservateurs. Il a surtout rallié à sa cause le gouvernement de Donald Trump. L’avocat général des Etats-Unis, une fonction éminente du ministère de la Justice, a d’ailleurs pris la parole pour défendre le pâtissier.
« Un sculpteur afro-américain ne peut être forcé de sculpter une croix pour le Ku Klux Klan au prétexte qu’il le fait pour d’autres religieux », a affirmé Noel Francisco.
Une telle position produit des « conséquences inacceptables », a répliqué David Cole, l’avocat du couple homosexuel. « Une boulangerie pourrait refuser de vendre un gâteau d’anniversaire à une famille noire en désapprouvant qu’on fête la vie des Noirs ».
L’avocat du couple Mullins et Craig a insisté sur le fait qu’ils avaient essuyé le refus du pâtissier à la seule mention qu’il s’agissait de leur mariage, avant même toute discussion sur le gâteau.
La Cour suprême rendra sa décision d’ici juin, un mois souvent associé aux mariages.