Les milieux politiques et les professionnels des médias français sont fondés à se demander aujourd’hui si la réforme du renseignement français opérée il y a plus d’une décennie a été efficace ou non pour les prises de décision par les chefs d’Etat comme ce fut le cas avec Jacques Chirac ou Nicolas Sarkozy qui ont pu laisser dire parfois qu’ils n’étaient pas au courant ou qu’ils n’avaient pas été informés à l’heure.
La nouvelle réforme se doit, insistent-ils, de mettre un terme au démenti présidentiel. D’autant plus qu’il est de façade à ce que les deux plus importants services, la Direction de la surveillance du territoire (DST) et la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), rendaient compte à leurs ministres de tutelle. Mais dans la réalité, les patrons ne traitaient les dossiers les plus importants qu’avec un collaborateur du chef de l’Etat, ou avec le président de la République lui-même lorsqu’il s’agit des dossiers d’une très haute confidentialité.
Quant à la fusion Renseignement généraux (RG) et DST, les observateurs sont unanimes à souligner que la réforme ne portant que sur le renseignement ‘’intérieur’’ et ne s’inscrivant dans aucune réorganisation d’ensemble, ne répond aucunement aux nouveaux besoins de renseignement. Pire encore, elle délaisse l’essentiel : la justice qui devrait être placée au cœur de la lutte antiterroriste, sachant que les nouvelles menaces sont souvent liées à la criminalité organisée, au terrorisme et à la mafia économique et financière.
Deux grandes innovations ont été introduites, rappelle-t-on, dans la réforme du dispositif de renseignement français. La première concerne la création de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) qui fusionne les Renseignements généraux (RG) et la DST. Les missions accordées anciennement à ces deux services, ont été scindées en deux au sein de la DCRI. Un pôle ‘’renseignement’’ veille aux ‘’intérêts fondamentaux de l’Etat’’ et rassemble le contre-espionnage, la lutte contre le terrorisme et l’intelligence économique. L’autre pôle travaille sur les ‘’informations générales’’ touchant à la cohésion nationale et à l’ordre public (lutte contre les bandes et les violences urbaines, mouvements de contestation…)
Imaginé depuis longtemps, ce grand service répond, selon l ministère français de l’Intérieur, à ‘’une exigence absolue’’ de la sécurité française. L’autre grande innovation introduite dans le dispositif de renseignement français, concerne la création d’un Conseil national du renseignement (CNR) doté d’un poste de coordonnateur du renseignement attaché directement au président de la République. Le coordonnateur sera ainsi la porte d’entrée vers le président de la République, de l’ensemble des services du ministère de la Défense, à savoir la Direction du renseignement militaire (DRM), la (DGSE), la Direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD), et du ministère de l’Intérieur, la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI).
Pour les observateurs et les professionnels des médias, le seul rattachement du renseignement au pouvoir exécutif ne peut prévenir les menaces qui ne sont plus les mêmes que durant la guerre froide. Aucun service de renseignement américain, britannique, français ou autre, disent-ils, n’a pu prévoir ni imaginer il y a vingt ans, qu’un homme pieux flânant dans les vallées et les montagnes afghanes, ferait trembler la terre sur les pieds de l’Amérique qui mobiliserait contre lui, les grandes armées et les services secrets de l’occident. Aucun service secret français, et ils sont nombreux, n’a songé ni prévu qu’un mot déplacé ‘’racaille’’ d’un ministre de l’Intérieur qui n’était autre que l’ancien président Nicolas Sarkozy, allait obliger le gouvernement à décréter l’état d’urgence, pour faire face aux émeutes des banlieues.
Réformer les renseignements en éliminant la justice du dispositif antiterroriste et en la ramenant au rôle d’exécutante, alors qu’elle était pilote. Réformer en s’alignant sur les Etats-Unis, qui ont fait de la menace antiterroriste la seule et unique menace sur laquelle sont mobilisés tous les moyens de l’Etat, ne peut en aucun cas, selon des milieux proches des renseignements, prévenir les multiples menaces qui pourchassent la planète toute entière : terrorisme, crime organisé, trafics, drogue, délinquance économique et financière, etc…
Les Français sont aujourd’hui nombreux à suivre avec regret la disparition des RG après plus d’un siècle d’existence. A l’époque (1911), ces policiers de l’ombre étaient chargés de surveiller l’état de l’opinion, de recenser les rumeurs et de prévenir les mouvements contestataires d’obédiences multiples. Une mission qu’ils abandonnent en 1994 sur instruction de François Mitterrand, lorsqu’ils se sont fait pincer en train d’espionner le Conseil national du Parti socialiste.






