France 24, quand elle ne traite pas l’actualité marocaine en ayant recours aux faits alternatifs, aux mensonges, au mode conditionnel, aux formes interrogative, semi-interrogative, et autres destinées à estomper ou travestir la vérité, interroge de sombres personnages déconnectés des réalités du pays et remontés contre la monarchie.
La décision du Roi Mohammed VI de gracier Hajar Raissouni, son fiancé et le personnel médical accusé de l’avoir aidée, dans des conditions illégales, à avorter a été rendue publique le 16 octobre, entraînant des réactions salutaires, au Maroc et à l’étranger. Le monarque a pris sa décision «sans entrer dans le débat souverain que les citoyens marocains mènent sur l’évolution de leur société et dans lequel se sont invités, de façon regrettable, certains étrangers, intellectuels, médias et ONG» , a précisé une source gouvernementale à l’agence de presse française.
Cette source ne croyait pas si bien dire. Aboubakr Jaïr, professeur à l’Institut américain universitaire d’Aix-en-Provence, dans un entretien accordé à France24, déclare que l’affaire de Hajar Raissouni «a eu un retentissement considérable et a mis la monarchie dans une position délicate.» Faut-il s’étonner du point de vue de cet intervenant ? À l’évidence, non. La raison en est simple : pour certains, l’institution royale, qui a toujours soutenu une société où l’émancipation individuelle et des femmes est la règle, doit toujours être critiquée, vilipendée.
D’abord, il faut l’écrire : ce sont certaines dispositions juridiques, qui prévoient des peines de prisons pour certains cas d’avortement comme celui de Hajar Raissouni, qui ont été mis en cause. Ce sujet a été en premier lieu évoqué par le professeur Chafik Chraïbi, gynécologue-obstétricien officiant dans une maternité de la capitale Rabat, par ailleurs président-fondateur de l’Association marocaine de lutte contre l’avortement clandestin (AMLAC). Le recours à l’avortement au Maroc, comme ailleurs dans les Etats occidentaux comme chez nous, apparaît toujours comme une pratique soulevant de nombreuses interrogations d’ordre éthique, philosophique et scientifique, et la légitimité d’y recourir semble encore diviser la société. Depuis 2015, l’institution royale s’est intéressée à ce sujet et le débat sur l’IVG et l’assouplissement des lois répressives sur l’interruption involontaire de la grossesse est toujours d’actualité et prend même parfois des tours officiels.
Aboubakr Jaïr et ses acolytes qui, depuis quelque temps, se prennent pour la police du genre et de la sexualité, jugent bon de se prononcer sur la conformité de certains principes avec le modèle régulateur de notre société. L’affaire de Hajar Raissouni est un test pour les conventions de sexe surannées qui demeurent actives au Maroc. Quand le sage dit que le Maroc est confrontée aux défis de la modernité, l’idiot pointe du doigt la monarchie !
Aboubakr Jaïr, qui évoque une «pression internationale» derrière la grâce royale, réside dans un pays qui opprime les femmes voilées, où l’on déplore le déclin des valeurs de justice, de liberté et d’égalité en droit. Le Roi Mohammed VI a présenté le nouveau code de la famille fin 2003 et son adoption demeure un événement historique marquant une rupture définitive avec le passé et consacrant la femme marocaine comme individu à part entière. Ceci, est une vérité.
Depuis quand la libre disposition de soi et les réclamations autour de la libération des relations sexuelles peuvent-il ébranler une monarchie qui jouit d’une grande considération sur les plan national et international ? Le corps de Hajar Raissouni, depuis fin août, se dissout dans les manipulations des uns et des autres pour se muer en formule manipulable et transitoire. Certains mercenaires des bonnes causes ont cru bon le modeler pour soutenir leurs mensonges et leurs affabulations.
La libération de Hajar Raissouni n’est guère une « victoire » (sic !) mais une décision royale symbolique en faveur d’une jeune femme au début de sa vie. Leïla Slimani, que l’auteur implique dans ses délires, a examiné et réexaminé le concept de h’chouma (la honte), la notion du corps et les transgressions des normes bien avant cette affaire. Elle a toujours milité pour la question de la liberté sexuelle et du droit à disposer de son corps.
Non, il n’y a ni victoire, ni pression, ni déviance, ni contraintes. L’affaire Hajar Raissouni est le reflet de l’évolution qui affecte la société marocaine et qui ne saurait faire aucun doute. La plupart des vecteurs traditionnels grâce auxquels l’émancipation s’effectue sont aujourd’hui en déclin, tout simplement : La monarchie joue son rôle de ciment de la Nation ; dont la force d’attraction n’a cessé, n’en déplaise à l’ex-scribouillard, de croître, entraînant un étiolement de toutes les thèses qui déconsidèrent ses efforts en faveur de l’évolution sociétale.
L’histoire de la dépénalisation de l’avortement au Maroc s’inscrit dans un contexte social très spécifique, elle est l’un des points d’ancrage des revendications du mouvement des femmes qui a émergé depuis des années. L’assouplissement des conditions d’accès à l’IVG fait objet d’un débat social et non politique.
Ne parlons pas de l’autoritarisme fantasmé qu’évoque ce tartuffe. Parlons de l’autoritarisme intellectuel qui ne tolère aucune contestation, et encore moins une quelconque forme de critique susceptible de fragiliser la tenue de ses mensonges. Son principe constitutif est donc une déformation des faits, qui est en soi une violence. Certaines parties qui se sont emparées de l’affaire de Hajar Raissouni miment les apparences de la justice. Cette pseudo-morale extraterritoriale –, nous rappelle combien la récupération des bonnes causes constitue la facette la plus hideuse de ceux qui se proclament comme défenseurs des droits humains et de ceux qui doivent informer et non déformer les évènements.