Depuis le déclenchement de l’affaire Brahim Ghali, un certain personnage épisodique, un sexagénaire intrigant et affairé, espèce de courtier officieux des thèses du Polisario, a refait surface. Il s’agit d’Ignacio Cembrero, ex-malheureuse plume d’El País et El Mundo ; actuel collaborateur d’El Confidencial, qui multiplie conclusions péremptoires et faits controuvés sur la crise maroco-espagnole.
La blague, croustillante, mérite d’être racontée : Brahim Ghali, chef du Polisario, a été hospitalisé d’urgence le 21 avril en Espagne, près de Saragosse, sous un nom d’emprunt. Le chef malade a emprunté un avion médicalisé affrété par la présidence algérienne avec l’accord tacite du gouvernement espagnol et sans le consentement de Rabat. Interrogé sur les motifs d’une démarche qui menacerait les intérêts essentiels du Maroc, Ignacio Cembrero, ex-plume d’El País et El Mundo et actuel collaborateur d’El Confidencial, affirme que «l’Espagne a un très bon système de santé et une longue tradition d’accueil». Haute inspiration d’un spécialiste… du Maroc.
Une inspiration qui ne prend pas en compte plusieurs faits : La plainte contre Brahim Ghali qui porte sur des faits commis entre 1974 et 1988, laquelle concerne des détentions arbitraires et «plusieurs dizaines d’assassinats» dans le camp de réfugiés de Tindouf en Algérie, contrôlé par le Polisario. Les plaintes déposées contre Brahim Ghali pour «tortures», «violations de droits humains» ou «disparition forcée» ne valent-elles rien pour Cembrero ? «Pourrions-nous caractériser d’atteinte qui ne respecte pas les lois du bon voisinage l’affaire Brahim Ghali ? Absolument» tonne une source diplomatique. Brahim Ghali sera entendu début juin dans les dépendances de l’Audience nationale, juridiction spécialisée dans les affaires politiques qui siège à Madrid.
«Il est possible que le Maroc… prenne ombrage de cet événement et fasse semblant de s’offusquer pour pousser Madrid à se prononcer en sa faveur sur le dossier du Sahara. Les sommations de Rabat étaient faites pour précipiter ces résolutions.» Belle trouvaille cembrerienne, mais n’est-il pas expédient de commencer par où l’on devra finir ? de mettre un terme au double jeu odieux de Madrid et ces intrigues qui séparent deux nations faites pour s’estimer et s’entendre ? Tandis que Cembrero méditait et traçait à la hâte ses conclusions, les événements se précipitaient. Le gouvernement de Pedro Sánchez laissait couler autour de lui le courant qui l’avait porté à s’affairer avec le Polisario et qui le soulève encore. Le responsable socialiste n’en avait pas mesuré la puissance : c’était le vice irrémédiable des combinaisons politiques souterraines. Aucun démenti n’a été donné sur la complicité de Madrid avec le Polisario. Tous ceux qui sont mis en cause se tiennent cois. Bien plus, tous demeurent également dans le déni. Les affaires se gâtent de plus en plus pour l’Espagne. Les diplomates espagnols déclarent maintenant ouvertement que jamais les relations avec le Maroc n’ont été plus tendues, jamais la situation n’a été aussi grave.
Que l’événement ait été dû à une méprise, ou bien à l’inadvertance de responsables trop zélés ou d’une démarche sous-marine torpilleuse, cela se précise. Qu’il se soit produit à l’insu de Rabat, il vient mal à point et dans un moment diplomatique trop grave pour qu’il soit permis de ne pas le régler. Qu’il ait au contraire été discuté, décidé, commandé au palais de la Moncloa, sur les avis et les instances d’Arancha González Laya, voilà qui, tout examiné, paraît bien plus probable, selon les médias espagnols.
Aucun mot de Cembrero sur la propagande antimarocaine, sur la diplomatie secrète et équivoque du gouvernement de son pays accusé de cabaler contre Rabat, les intrigues de certains responsables espagnols. La trame était trop subtile ; elle ne pouvait résister à l’engrenage mené. Le vide se fait autour de Pedro Sánchez, «l’homme qui a succombé à la tentation d’être malhonnête homme et à l’occasion facile de s’en donner l’air à si bon marché» pour paraphraser le média espagnol Okdiario. L’homme qui vit d’expédients, pratiquant la politique de bascule, indécise.
Cembrero cherche à accabler le Maroc. Cependant, chaque jour, impitoyablement, les révélations continuent sur l’affaire Ghali. Les intrigues de Madrid se découvrent dans tous les chapitres. Les complicités s’affirment et se multiplient. La Parti populaire (PP) se refuse à croire que des ministres ont abusé de leurs fonctions.
Une deuxième blague, tant qu’on y est, cette déclaration : «On a vu ces dernières années comment les tensions migratoires évoluent en fonction des intérêts marocains, autour de conflits de voisinage avec l’Espagne ou encore de la négociation de traités commerciaux». Ignacio Cembrero, c’est cet homme qui pousse les autres à la guerre, sans n’y point prendre part, et d’en profiter pour agir à sa guise et répandre des calomnies sur les camps engagés dans la lutte.
Une dernière pour la route : «Le Maroc asphyxie économiquement Sebta et Melilia depuis trois ans». Comment ce journaliste, fort inconsidéré, plein de suffisance, d’une vanité ombrageuse, colporteur de théories complotistes, obsédé par l’inquiétude où il est de rabaisser le Maroc, peut-il rester fidèle à la réalité ? Ignacio Cembrero, même en Espagne, est considéré comme un observateur médiocre, maladroit et peu objectif.
«Je suis disposé à la neutralité à l’égard de l’actualité marocaine», a déclaré un jour Cembrero, mais ce ne sont que des intentions, et les assurances verbales ne suffisent point, elles ne constituent pas un engagement. Il fallait prendre langue avec l’Association sahraouie pour la défense des droits de l’Homme (Asadedh), qui dénonce des «assassinats», des «tortures», des «disparitions», des «détentions arbitraires» et des «actes de terrorisme» commis par Brahim Ghali, que l’Espagne cherche à protéger à tout prix. Il s’agit d’écarter ce qui peut diviser, de rechercher ce qui doit unir, M. Cembrero.