L’Inde a exécuté vendredi à l’aube quatre hommes pour le viol collectif d’une étudiante dans un bus de Delhi en décembre 2012, un crime qui avait révulsé la nation d’Asie du Sud et le reste du monde.
Mukesh Singh, Vinay Sharma, Pawan Gupta et Akshay Thakur ont été pendus à 5h30 locales dans la prison de Tihar de la capitale. Il s’agit d’une application exceptionnelle de la peine de mort en Inde. Jusqu’aux dernières heures, les détenus ont multiplié les recours judiciaires, qui leur avaient permis d’obtenir depuis janvier trois reports de dernière minute de leur exécution. Ce drame avait braqué une lumière crue sur le lourd silence autour des violences sexuelles dans le pays, les carences de son système judiciaire en matière de lutte contre les viols et, au-delà, le traitement des femmes dans la société indienne.
Le dimanche 16 décembre 2012 au soir, l’étudiante de 23 ans sort d’une séance du film « L’Odyssée de Pi » dans un grand centre commercial avec un ami. Ils montent dans un bus privé tenu par une bande ivre de six hommes, croyant qu’il s’agit d’un transport collectif allant dans leur direction. À bord, son ami est passé à tabac. Pendant une vingtaine de minutes, la jeune femme est sauvagement violée à tour de rôle à l’arrière du bus roulant à travers Delhi, lumières éteintes, et grièvement blessée avec une barre de fer. Les agresseurs se débarrassent d’eux au bord d’une route. Dès le lendemain, l’affaire provoque une onde de choc dans l’opinion publique et déclenche de gigantesques manifestations spontanées, qui redoublent avec la mort de la victime de ses blessures le 29 décembre dans un hôpital de Singapour.
Au milieu de la nuit, quelques manifestants s’étaient rassemblés devant Tihar pour saluer cette exécution, agitant des drapeaux indiens. « La justice a triomphé. Il est de la plus grande importance de garantir la dignité et la sécurité des femmes », a réagi le Premier ministre Narendra Modi sur son compte Twitter. « Nous avons la satisfaction que ma fille ait enfin reçu justice au bout de sept ans. Les animaux ont été pendus », a pour sa part déclaré à des journalistes Asha Devi, mère de la victime Jyoti Singh.
Des six hommes arrêtés par les forces de l’ordre, le meneur présumé est mort en détention quelques semaines plus tard, officiellement à la suite d’un suicide. Un autre, encore mineur à l’époque, a bénéficié d’une peine réduite en raison de son âge et a été libéré au bout de trois ans.
Ce fait divers, survenu au cœur de la capitale, a touché une corde sensible auprès de la jeunesse indienne. Dans une société changée en profondeur par vingt ans de libéralisation de l’économie, nombre d’Indiennes et d’Indiens se sont identifiés à cette jeune femme souhaitant faire des études et avoir un travail, plutôt que de vivre sous la tutelle d’un mari et rester au foyer. « Une fille décente ne traîne pas dehors à neuf heures du soir. Une fille est bien plus responsable du viol qu’un garçon », se justifiait ainsi Mukesh Singh, l’un des violeurs, dans un documentaire de la BBC sorti en 2015 et qui a fait scandale en Inde.