Le général Nasser Ahmed Nasser Al-Raisi, responsable des forces de sécurité des Emirats arabes unis, a fait campagne pendant un an pour devenir président de l’agence de coopération policière. Il avait une seule concurrente face à lui : la Tchèque Sarka Havrankova. Il vient d’être élu à la présidence de l’Organisation internationale de Police criminelle (Interpol), ce jeudi 25 novembre à Instanbul, dans le cadre de sa 89e assemblée générale.
Certes le poste est honorifique selon les statuts d’Interpol, la gestion des affaires courantes étant assurée par le secrétaire général Jürgen Stock, renommé pour un second mandat de cinq ans en 2019, assure Le Nouvel Observateur. Il n’en reste pas moins que l’inquiétude d’une telle nomination est palpable : trois députés européens dont Marie Arena, présidente de la sous-commission des droits de l’Homme du Parlement européen, protestent dans un écrit à l’attention de la présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen, en date du 11 novembre dernier, en ces termes : « Nous sommes profondément convaincus que l’élection du général Al-Raisi porterait atteinte à la mission et à la réputation d’Interpol et affecterait lourdement la capacité de l’organisation à s’acquitter efficacement de sa mission ».
Ces inquiétudes ont été largement partagées dès octobre 2020, par dix-neuf ONG internationales, à propos de l’éventualité de la nomination du général émirati à la présidence d’Interpol. Il est celui que Human Rights Watch a qualifié de « membre d’un appareil sécuritaire qui prend systématiquement pour cible l’opposition pacifique ».
Il faut dire que plusieurs plaintes pour « torture » contre M. Al-Raisi ont été déposées ces derniers mois en France, où siège Interpol, et en Turquie, pays hôte de l’Assemblée générale, rappelle Le Nouvel Observateur.
Des articles de RFI ou encore du quotidien « Libération », accusent Ahmed al-Raisi de mener une politique répressive, arbitraire et violente aux Emirats. Depuis plusieurs semaines, il est dénoncé par les défenseurs des droits humains, et deux Anglais qui ont porté plainte contre lui.
Ainsi, le Britannique Ali Issa Ahmad, a témoigné devant l’Assemblée nationale française, qu’en janvier 2019, il a été torturé et séquestré car en venant assister à un match de la Coupe d’Asie aux Emirats, il portait un maillot du Qatar, « péninsule du Golfe avec laquelle les Emirats n’étaient pas en bons termes à l’époque », rapporte un article de RFI. Ali Issa Ahmad a affirmé : « On m’a mis dans le coffre d’une voiture, menotté les mains, un type a sorti un couteau de poche et a découpé sur moi le tee-shirt que je portais en disant que ce drapeau du Qatar n’était pas autorisé ici, […] Après, j’ai été détenu dans un endroit spécial, torturé, subi des décharges électriques », puis relâché au bout de trois semaines.
L’article rapporte qu’Ali Issa Ahmad a porté plainte en Angleterre contre le général, « dont la culpabilité directe ne fait pas de doute pour le directeur de l’ONG Gulf Center For Human Rights, Khalid Ibrahim». Ce dernier a affirmé à la station de radio publique qu’« aux Émirats, tout se décide au plus haut de l’appareil sécuritaire »,
Il n’est pas le seul Britannique à avoir porté plainte contre Ahmed al-Raisi. Matthew Hedges, étudiait, en tant qu’universitaire, l’appareil sécuritaire émirati quand il a été « arrêté sur place et accusé d’espionnage en mai 2018 ». Il a été condamné à perpétuité et torturé. Libération » rapporte qu’il passera sept mois dans les geôles émiraties avant d’être relâché sous la pression de Londres.
Le Monde en février 2021, relate que l’opposant émirati Ahmed Mansour a subi pire : « pour avoir critiqué le régime sur les réseaux sociaux, le blogueur est enfermé depuis mars 2017 dans une cellule de 4m2, sans possibilité de s’adonner à quelconque activité ou de voir sa famille plus de deux fois par an, d’après un rapport de l’organisation Human Rights Watch (HRW)».
En France, le député du Rhône Hubert Julien-Laferrière tentait depuis des mois, de stopper la candidature du général émirati, en interpellant le gouvernement français sur la question. Le ministère de l’Intérieur a répondu, révèle RFI, « qu’aucun élément ne pouvant prouver les exactions dont Ahmed al-Raisi est soupçonné, toutes les candidatures à la présidence d’Interpol devaient être considérées ».
Hubert Julien-Laferrière, pour sa part, soutient auprès de RFI que cette réponse cache des intérêts stratégiques et financiers : « La France vend beaucoup d’armes aux Émirats et elle ne demande aucun compte concernant les droits de l’homme ». Sans oublier que les Emirats arabes unis «contribuent largement aux finances d’Interpol, ce qui pourrait expliquer le silence des autres Etats membres face à la candidature du général ». Hubert Julien-Laferrière éclaire également l’opinion publique dans Libération sur la position des Emirats qui, avec donation de 50 millions d’euros, « seraient devenus le deuxième contributeur d’Interpol après les Etats-Unis »