Au moins seize manifestants ont été tués jeudi dans une ville du sud de l’Irak reprise en main par un militaire, après l’incendie du consulat du grand voisin iranien dans la ville sainte chiite de Najaf qui marque une escalade dans le mouvement inédit de contestation du pouvoir.
A Nassiriya, foyer de toutes les révoltes de l’histoire de l’Irak, depuis tôt le matin, le son des tirs ne cesse pas. Les forces de l’ordre, décidées à mettre un terme à la désobéissance civile, tentent de reprendre deux ponts que les manifestants occupent depuis trois jours.
Outre les 16 morts, plus de 150 manifestants ont été blessés, pour beaucoup par des tirs, ont précisé médecins et policiers dans la ville désormais sous couvre-feu et assiégée par des renforts dépêchés dans la nuit.
Alors que la répression se préparait à Nassiriya, la colère contre Téhéran –très influent voisin de l’Irak– éclatait dans la très symbolique ville sainte chiite de Najaf, plus au nord.
Pour les manifestants, dans l’un des pays les plus riches en pétrole du monde -mais aussi l’un des plus corrompus-, le système politique conçu par les Américains qui ont renversé Saddam Hussein en 2003 est à bout de souffle.
Et surtout, il est tombé entre les mains de l’Iran et de son puissant émissaire pour les affaires irakiennes, le général Qassem Soleimani, en charge des opérations extérieures de l’armée idéologique de la République islamique.
Depuis le 1er octobre, des dizaines de milliers d’Irakiens réclament le renouvellement du système et de la classe dirigeante dans un pays où un habitant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté et où, officiellement, 410 milliards d’euros ont été détournés ces 16 dernières années soit deux fois le PIB du pays.
Ils accusent leurs dirigeants d’être « incompétents » et affiliés aux deux pays qui se disputent l’influence en Irak, les Etats-Unis et l’Iran –à couteaux tirés. Aujourd’hui, le second a pris l’avantage alors que les premiers sont aux abonnés absents.
Là où le général Soleimani parvient à réunir les partis pour resserrer les rangs autour du Premier ministre irakien Adel Abdel Mahdi un temps sur la sellette, Washington ne fait que de maigres déclarations et son vice-président Mike Pence, qui s’est rendu en Irak cette semaine, a ignoré les autorités de Bagdad pour visiter uniquement ses troupes et les Kurdes.
A propos de l’incendie de son consulat, Téhéran a dénoncé «des agents destructeurs» et réclamé à Bagdad «une action décisive, efficace et responsable». Bagdad a dénoncé des personnes «étrangères aux manifestations» voulant «saper les relations historiques» entre les deux voisins.
Dès jeudi matin, la réponse arrivait à Nassiriya, tandis que d’importants déploiements des forces de sécurité dans les autres villes du Sud faisaient redouter plus de violence encore.
La répression a été lancée après la nomination d’un nouveau commandant militaire dans la province, comme dans d’autres. Car les autorités s’en remettent désormais à des hauts-gradés pour appuyer les gouverneurs face au mouvement de la rue.






