L’expérience syrienne rappelle que l’autosuffisance politique n’est qu’un leurre face à l’aspiration irrépressible des peuples à la liberté et à la justice. Le soutien que Bachar al-Assad a longtemps trouvé auprès de puissances étrangères telles que la Russie et l’Iran, et dans une moindre mesure l’Algérie, n’a fait que retarder l’inévitable, tout en alourdissant le tribut humain et matériel de sa chute.
Les récents bouleversements au Levant, marqués par la chute brutale du régime de Bachar al-Assad, offrent une leçon lourde de sens pour l’Algérie, devenue isolée dans la région. En cette ère où les autoritarismes vacillent sous le poids de leurs contradictions internes, il importe de dire que le déclin du régime syrien n’était que le miroir des dérives algériennes actuelles.
Le régime d’al-Assad, longtemps présenté comme un bastion de résistance face aux puissances étrangères, s’est effondré (enfin) sous la pression conjuguée du soulèvement populaire de 2011, des interventions étrangères et de l’épuisement de ses ressources internes. Cet événement majeur dévoile la fragilité des États fondés sur une gestion clanique du pouvoir et une répression systématique de la dissidence.
En Algérie, les symptômes de ce mal profond se manifestent également. Le pouvoir y demeure concentré entre les mains d’un appareil militaro-politique opaque depuis 1962, où les vraies décisions échappent à tout contrôle civil. La mémoire des manifestations de 2019-2022, menées par le mouvement de contestation pacifique qui exigeait des réformes profondes, résonne aujourd’hui comme un écho des prémices de la révolution syrienne. Bien que la violence ait été étranglée cet élan jusqu’à présent, la persistance de l’immobilisme politique en Algérie pourrait mener à des dénouements similaires.
La guerre hybride contre le Maroc : un pari aux conséquences périlleuses
Depuis 2020, l’Algérie semble s’être engagée dans une guerre hybride contre le Maroc, laquelle rameute des moyens diplomatiques, médiatiques et économiques pour tenter d’affaiblir Rabat. Cette stratégie, qui se traduit notamment par le soutien acharné aux séparatistes du Front Polisario, la rupture des relations diplomatiques en 2021 et des accusations répétées (et vides) à l’encontre du royaume chérifien, reflète une volonté intransigeante de détourner l’attention des défis internes algériens. Cette approche, qui inquiète les chancelleries occidentales, a des effets pervers qui, loin de réconforter l’Algérie, contribuent à accentuer ses vulnérabilités.
En s’engageant dans cette guerre d’usure, l’Algérie s’isole encore sur la scène internationale alors que le Maroc multiplie les succès diplomatiques, notamment avec la reconnaissance de plusieurs puissances de sa souveraineté sur le Sahara et son rapprochement avec des acteurs de poids comme Israël. Sur le plan économique, la décision de fermer le gazoduc Maghreb-Europe en 2021 a pénalisé l’Algérie elle-même, privant le pays d’une source de revenus cruciale et poussant le Maroc à accélérer sa transition énergétique. Par ailleurs, l’instrumentalisation médiatique pour alimenter l’hostilité envers le royaume nuit à la crédibilité des institutions algériennes, exposant un régime plus soucieux de trouver des boucs émissaires que d’apporter des réponses aux crises successives qui frappent le pays.
Cette politique d’animosité croissante ne fait qu’exacerber les tensions régionales et détourne des ressources précieuses qui pourraient être consacrées à des réformes internes indispensables, hautement réclamées. Les leçons de l’histoire sont pourtant claires : un régime qui mise sur l’adversité extérieure pour se légitimer finit tôt ou tard par s’effondrer sous le poids de ses propres contradictions. En menant une lutte larvée contre le Maroc, l’Algérie s’expose aux mêmes dangers que le régime syrien : l’épuisement, l’isolement, et une perte irrémédiable de la confiance populaire.
Les avertissements de l’Histoire
L’expérience syrienne rappelle que l’autosuffisance politique n’est qu’un leurre face à l’aspiration irrépressible des peuples à la liberté et à la justice. Le soutien que Bachar al-Assad a longtemps trouvé auprès de puissances étrangères telles que la Russie et l’Iran n’a fait que retarder l’inévitable, tout en alourdissant le tribut humain et matériel de sa chute. Pour l’Algérie, le danger réside dans une confiance aveugle en des alliances conjoncturelles et dans une économie fondée presque exclusivement sur les hydrocarbures. Comme la Syrie avant elle, l’Algérie pourrait se retrouver marginalisée sur la scène internationale si ses choix stratégiques et économiques s’avèrent incapables de répondre aux exigences d’un monde en mutation, plus réaliste et plus pragmatique.
La chute de Bachar al-Assad est donc un avertissement. L’Algérie, pour éviter un destin similaire, doit impérativement réviser ses fondements politiques, se libérer de la dépendance aux rentes, restaurer le lien de confiance avec sa population et cesser la guerre silencieuse qu’elle mène depuis 1975 contre le Maroc. Les secousses contemporaines offrent à ceux qui savent les saisir une sagesse précieuse. Si l’Algérie persiste dans sa voie actuelle, elle risque, tôt ou tard de suivre l’exemple syrien, sombrant dans un chaos aux conséquences inattendues.