Les habitants de Fès ont l’impression d’être livrés à une caste de politiciens sans scrupules, dont la gestion oscille entre désillusions et scandales. Le déclin de la ville est perceptible à l’œil nu. Seul un électrochoc externe est à même de la tirer de sa torpeur. La Coupe du Monde 2030 au Maroc pourrait incarner la solution miracle tant espérée par les Fassis.
L’État vient de siffler la fin de la récréation dans la capitale spirituelle, qui fait partie des villes proposées par le Royaume pour accueillir les matches du Mondial, organisé conjointement avec l’Espagne et le Portugal. Les pouvoirs publics prévoient un plan d’action urgent devant garantir la métamorphose de la ville, en vue de sa mise en conformité avec les exigences de la FIFA.
Avant de présenter comment les pouvoirs publics comptent s’y prendre pour réhabiliter une cité qui mérite un meilleur sort que ce qu’on lui a réservé jusque-là, il va falloir rappeler certains faits et réalités qui démontrent la responsabilité des hommes politiques locaux dans la grave dégradation de la cité, qui fut jadis un havre de culture, de savoir-faire et de commerce.
La faillite des élus locaux
L’actuel maire de la ville, son troisième adjoint et le secrétaire du conseil communal viennent d’être condamnés à de la prison ferme dans une affaire de détournements et dilapidation de deniers publics. De surcroît, une douzaine d’autres membres du même conseil font face à des ennuis judiciaires pour divers délits.
L’incurie tant fois évoquée de quelques élus est symptomatique de l’état du délitement avancé des mécanismes de la gestion locale. La situation ne date pas d’aujourd’hui. Les précédents conseils sont tout aussi coupables. S’ils ne sont pas gangrénés par la corruption, ils se sont démarqués par l’immobilisme, le manque d’ambitions et de vision, la prévalence des intérêts particuliers, voire la protection de l’anarchie pour amadouer la base électorale, dans certains cas.
L’échec à insuffler une dynamique économique et l’entreprise délibérée de couverture des dépassements des soutiens ont contribué, à une certaine époque, à l’explosion de la criminalité dans la ville. Les forces de l’ordre ont dû redoubler d’efforts pour réparer les erreurs de certains politiciens, dont la compromission a trahi les espoirs de la population et fait fuir les visiteurs, dans une ville où le tissu économique repose sur la bonne santé du tourisme.
Le rétablissement du sentiment de sécurité a exigé des sacrifices considérables et une action de longue haleine de la part de tous les services. Certes, la situation sécuritaire s’est nettement améliorée, mais l’image de Fès a reçu un coup sérieux à cause des agissements passés de politiciens désinvoltes, qui ont participé activement à la clochardisation de certains quartiers.
En contrepartie, les services publics ont continué leur descente aux enfers. L’illustration la plus criante du laisser-aller des élus est la récente crise des déchets, qui a failli se transformer en une catastrophe environnementale, si ce n’est, encore une fois, l’intervention et l’implication des autorités publiques pour rappeler tout le monde à ses responsabilités.
Englués dans leurs démêlées avec la Justice, les membres du conseil communal n’ont pas remarqué que les contrats de gestion déléguée du nettoiement et de la propreté sont arrivés à expiration. Des semaines durant, la ville a croulé sous des montagnes d’immondices. À l’approche de l’Aïd Al Adha, les habitants ont commencé à redouter le pire. Les élus ont finalement décidé de s’acquitter de leurs missions et de trouver une solution, à quelques jours seulement de la fête religieuse, célébrée le 16 juin.
Dans l’état actuel des choses, Fès est loin de répondre aux critères d’une ville mondialiste. Un travail titanesque doit être accompli pour développer les infrastructures, embellir et aménager la ville, moderniser les moyens de transport en commun, dynamiser l’industrie touristique… Autrement dit, une métamorphose totale est devenue un impératif.
Raison pour laquelle Fès a été choisie comme première étape d’une série de réunions préparatoires décentralisées en perspective du Mondial-2030, présidées par le ministre de l’Intérieur Abdelouafi Laftit, en présence du président de la Fédération royale marocaine de football, Fouzi Lekjaa, par ailleurs président du comité national d’organisation.
Tous les moyens et ressources nécessaires seront mobilisés pour accélérer la mise en place de la nouvelle stratégie et la concrétisation optimale de ses déclinaisons dans les meilleurs délais, a assuré M. Laftit, qui a insisté sur le strict respect du cahier des charges de la FIFA en termes de transports, d’hébergement, de connectivité Internet et d’infrastructures sportives.
Changements tous azimuts
D’après des données obtenues par Barlamane.com, les échanges au cours de la réunion ont accordé une attention spéciale à la question de l’hébergement, un facteur capital pour pouvoir se prévaloir d’une bonne organisation. Lors de précédentes éditions, les supporters et les visiteurs des pays hôtes ont concentré leurs critiques sur les difficultés à se loger.
A ce propos, le plan d’action urgent ambitionnerait de porter la capacité hôtelière de Fès à quelque 7 400 chambres, alors que la FIFA exige 4 000 chambres seulement dans les villes hôtes, sauf pour l’ouverture et la finale (8 000 chambres) et les demi-finales (6 000 chambres).
Des mesures incitatives, notamment en termes de mobilisation de l’assiette foncière et de simplification des procédures, sont prévues en faveur des opérateurs touristiques, appelés à adhérer à la future dynamique et à saisir les opportunités qui se profilent à l’horizon et dont les retombées positives toucheront même les villes voisines.
S’agissant des transports, il s’est dégagé une tendance générale de privilégier un mode de locomotion en vogue à l’heure actuelle dans d’autres villes du Royaume. Il s’agit du bus à haut niveau de service (BHNS), dont les coûts de réalisation sont nettement moins élevés que la construction d’une ligne de tramway.
Le réseau BHNS, communément appelé «busway» à Casablanca, a fait ses preuves dans la métropole et contribué à améliorer la qualité des déplacements dans une cité aussi dense. Agadir s’apprête également à lancer son propre réseau BHNS. De l’avis des experts, c’est une solution pratique pour des villes qui ne sont pas très étendues, d’autant que son déploiement ne demande pas des budgets faramineux.
Le plan d’action portera, en outre, sur la modernisation et le renforcement de la flotte des bus classiques, qui devront répondre aux standards internationaux en termes de confort et d’environnement. Le changement ne va pas épargner non plus les taxis, qui devront s’adapter à la nouvelle ère, un jour ou l’autre.
Pour ce qui est des infrastructures sportives, le Grand Stade de Fès est en cours de rénovation. L’opération comporte deux phases, la première pour répondre aux exigences de la CAF pour la CAN-2025 et la seconde pour se conformer aux normes FIFA. Le plan de rénovation de l’enceinte, qui aura une capacité d’accueil de 52.000 sièges, intègre les principes directeurs de l’instance internationale, à savoir trois périmètres de sécurité, pas de croisement des flux, des accès spécifiques et restreints et des espaces et équipements FIFA.
Enfin, la question de la connectivité sera réglée dans le sillage du déploiement à moyen terme dans le Royaume du réseau 5G. qui représente l’un des principaux axes de la stratégie nationale de développement numérique «Maroc digitale 2030».
En mai, la ministre d’État chargée de la transition numérique et de la réforme administrative, Ghita Mezzour, s’est montrée consciente que l’organisation de la Coupe du monde nécessite une couverture 5G, notamment dans les stades, les centres d’entraînement et les fans zones. Donc, il est temps de passer à l’action pour surmonter les obstacles bureaucratiques ou réglementaires bloquant jusque-là le passage à cette technologie.
La prochaine Coupe d’Afrique des Nations (21 décembre 2025 – 18 janvier 2026) constituera un test grandeur nature pour la ville, dont les capacités organisationnelles seront scrutées de près, au grand bonheur des habitants de Fès.