Aujourd’hui, démarre la campagne électorale en vue des législatives du 8 septembre prochain, et aujourd’hui est présenté à Casablanca le programme électoral de la Fédération de Gauche (FG) par les secrétaires généraux de la FG que constituent le Congrès national Ittihadi (CNI) et le Parti de l’Avant-Garde Démocratique et Socialiste (PADS). Si tous les grands partis traditionnels ont opté pour un programme social-démocrate, souvent à l’opposé de leur référent idéologique, qu’en est-il de la Fédération de la Gauche démocratique, qui, il faut bien le dire est la seule bien que petite, force socialiste (non communiste), fortement secouée par le retrait du PSU, le 29 juin dernier, de l’alliance électorale des trois partis la constituant.
En avant première, Tahar Mouhouch, membre du bureau politique du CNI et de l’Instance exécutive de la FG la fédération de gauche ( CNI et PADS) , coordonnateur de la Commission chargée des élections depuis 2019 à l’échelle de la FGD, nous offre un éclairage sur les positions de la Fédération de Gauche et sur son programme électoral.
Si le PSU est toujours membre de la FGD sur le plan légal, sur le plan politique, il ne l’est plus parce que le statut de la FGD stipule dans son article 7 qu’il y a trois points essentiels sur lesquels seules les instances de la FGD peuvent prendre des décisions : les élections, l’intégrité territoriale et la Constitution.
Pour sortir de cet engrenage, nous avons, le 1er juillet, déposé une nouvelle déclaration d’alliance électorale au ministère de l’Intérieur. Elle s’appelle “alliance de la Fédération de gauche” tout court. Nous y figurons avec le PADS et quelques membres du PSU qui ont quitté le parti et qui soutiennent la question de l’alliance et du projet FGD dans sa globalité.
Les personnes qui souhaitent se présenter aux élections sous le logo de la Fédération de gauche nouvellement constituée, ont ce droit à condition de démissionner du PSU. C’est une question technique puisqu’il faut appartenir à un parti pour se présenter dans une liste.
Nous (PADS et CNI) avons décidé de nous unir dans les mois qui suivent les élections.
Que représente la gauche aujourd’hui ?
La gauche, d’une manière générale, a des principes universels : une vraie démocratie, la séparation des pouvoirs, l’indépendance du judiciaire, le respect des droits de l’Homme, le soutien des uns et des autres, la défense des droits communs et du vivre-ensemble, l’égalité des sexes…
Dans ce cas, à la lumière des annonces ou programmes électoraux, tous les partis marocains sont de gauche aujourd’hui ?
Tous les partis adhèrent-ils réellement à ces principes ? l’appliquent-ils vraiment sur le terrain ? Où étaient-ils avant que le Roi n’en parle ?
Nous avons vu clairement, comment certains partis membres de la coalition gouvernementale se sont comportés. Ils ont soutenu toutes les décisions qui ont été prises par le gouvernement sortant. Où sont les propositions concernant les droits des femmes, les droits de l’Homme, l’égalité ou la présence de l’Etat dans l’économie ou sur la scène sociale (protection contre le chômage, la couverture sanitaire universelle, le régime de retraite…)
Ces partis politiques ne respectent même pas leur référence idéologique. Tantôt de gauche, tantôt libéraux, parfois même néolibéraux. Chacun devrait défendre sa thèse et permettre d’être jugé en fonction de sa référence idéologique, de son programme, et de sa ligne politique. Les électeurs en auront donc une lecture spécifique à même de leur offrir un choix.
On peut voir aujourd’hui un parti qui a une idéologie pro-religieuse devenir pro-socialiste. C’est de la médiocrité politique que nous vivons actuellement.
Des consultations avec partis hors de la FGD sont-elles menées en vue des élections ?
Nous respectons notre référent idéologique, de gauche. Nous ne pouvons pas mener des pourparlers avec à titre d’exemple, un parti au référent religieux, c’est impossible.
Pour l’instant aucune consultation n’a été menée, mais peut-être dans le futur, en attendant de voir l’évolution dans les partis.
La question des réformes politiques, que nous considérons être la base de toutes les réformes est un préalable à toute consultation. La CSMD dans ce sens a mis le doigt sur plusieurs questions importantes, notamment la présence d’une zone grise au niveau de la prise de décisions, l’interférence entre différents pouvoirs, les prérogatives du gouvernement, du Roi, de la Justice. Cette question de zone grise doit être clarifiée et chacun doit faire ce qui lui revient. Ainsi chaque acteur politique sait où commencent et où finissent ces prérogatives. Si un parti qui se réclame de gauche ne donne pas d’importance à ces réformes, nous ne serions pas intéressés par des pourparlers.
Que représente la gauche au Maroc ?
La gauche est présente au Maroc sous différentes formes. Il existe une gauche culturelle. Il y a également des personnes qui ont des idées de gauche sans adhérer aux partis politiques. Pourquoi ? A cause de l’image actuellement qui existe de la gauche dues à des décisions d’une partie de cette gauche qui prend des décisions mal comprises, dont celle de Madame Mounib de se retirer de l’alliance de la FGD.
La gauche est présente dans la société civile, à travers les associations des Droits de l’homme, des syndicats, même dans la rue. Il s’agit notamment de toutes les sections qui manifestent pour leur droit au niveau de l’enseignement, de la santé, des droits socio-économiques, des droits civils…
Le grand défi est de rassembler tous ces éléments -là sous la bannière d’un seul parti politique puissant avec une ligne politique claire et attrayante.
13- Quel est votre programme électoral ?
Depuis 2019 nous menons un travail sérieux concernant tous les aspects des élections. Nous avons constitué des sous-comités qui s’attaquent à la question des lois et règlements concernant les élections. D’autres sont chargés de monter un programme, d’autres la communication ….
Notre programme électoral, s’articule autour de 8 axes principaux :
1- les réformes politiques : si à l’issue des législatives du 8 septembre, nous bénéficions d’une grande représentativité au niveau de la Chambre des représentants, nos élus vont soumettre des propositions de loi pour aller dans ce sens et mener les réformes nécessaires. Si d’autre sont en accord avec notre ligne politique, cela pourrait augurer d’un domaine de coopération avec les partis qui se réclament de gauche.
2- les programmes économiques articulés autour de deux types d’objectifs définis par le timing : Les urgences pour faire face à la crise économique causée par le covid-19, notamment les dépenses fiscales non distribuées équitablement. Il s’agit de soutenir également les personnes actives qui n’arrivent toujours pas à trouver d’emploi, dans plusieurs secteurs. Quelques signes positifs sont notés, concernant notamment l’arrêt des retraites pour les membres du gouvernement et du parlement. Notre économie ne peut pas supporter des dépenses de ce type, gratuitement. Nous avons aussi proposé un impôt de soutien pour sortir de la crise du covid-19.
Sur le moyen et long terme, il s’agit de mener les réformes fiscales qu’il faut. Rappelons-nous de la conférence de Skhirate en 2013 concernant les impôts : les externalités de ces conférences et les recommandations émises n’ont pas été mises en place de manière claire et soutenue. Les gens qui ne payent pas leurs impôts doivent les honorer. Il faut également mettre en place les mécanismes nécessaires pour les inciter à le faire. Il faut aussi appliquer des impôts sur les grandes fortunes à partir d’un certain niveau, de manière progressive, de même que sur l’héritage. Le patrimoine du ministère des Habous doit lui aussi, contribuer à l’économie nationale.
Il faut protéger notre industrie. Les conventions que nous avons avec certains pays nous ont menées vers la catastrophe. Nous enregistrons une déficience de 18% du PIB à ce niveau-là. Nous sommes toujours déficitaires par rapport aux pays avec lesquels nous avons signé des conventions de libre-échange. Il faut soutenir notre industrie pour qu’elle devienne compétitive. Il faut également accélérer le soutien aux secteurs de l’enseignement notamment à travers la numérisation, la formation à distance, et de la santé. Il faut investir dans les vaccins, les médicaments, l’ingénierie biomédicale, domaine riche et porteur à moyen et long terme. Tout cela peut générer de la valeur ajoutée.
Il faut aussi revoir la gouvernance économique au niveau de la Constitution. Assurer l’indépendance et la souveraineté de notre économie vis-à-vis des instances internationales. Ne pas appliquer tout ce qui nous est édicté par le FMI et la Banque Mondiale dans le cadre des prêts octroyés. Par ailleurs, les habitants dont les zones géographiques contiennent des richesses, doivent en profiter.
On propose par ailleurs un Conseil supérieur de l’économie et des finances, à même de réfléchir sur les stratégies et les orientations de l’économie marocaine. Nous suggérons d’ailleurs de revoir la question de la banque centrale qui doit être plus indépendante des instances internationales et qui doit contribuer à l’effort de la production de la richesse en ajustant sa politique monétaire.
2 l’axe social concerne plusieurs volets :
- la protection sociale : couverture sociale universelle, protection contre vieillesse et protection contre le chômage et perte d’emploi.
- L’enseignement public qui doit prendre de l’importance en occupant une plus grande part de l’enseignement national ; ainsi que régler le problème des enseignants contractuels, qui doivent être dans les classes, pas dans la rue à manifester.
- Le secteur de la santé : l’Etat doit être présent et doit veiller sur la santé de la population. Quand en 2020, pendant la pandémie, les cabinets privés ont fermé, ce sont les compétences du public qui sont restées sur le terrain jusqu’à présent à faire ce qu’elles peuvent avec les moyens dont elles disposent.
- Les services publics : réconcilier le citoyen avec l’administration. Certes la numérisation est importante mais il faut la rendre plus qualitative. Exemples : l’Etat fait un effort considérable pour permettre aux gens de prendre un rendez-vous en ligne pour élaborer leur CNIE. Pourtant, en vous déplaçant au commissariat le plus proche, vous réglez votre dossier le jour-même beaucoup plus rapidement qu’à travers la plateforme. Pareil pour les permis et cartes grises.
3- l’axe environnemental : nous donnons une grande importance à l’écologie.
Il faut passer à une économie verte, donc à moins d’énergie carbone et renouvelable. Il s’agit à la fois d’alléger l’environnement et d’obéir à une nécessité économique. Aujourd’hui plusieurs pays ont émis des règles d’importation de certains produits qui comportent des critères d’énergie carbone. Nos produits risqueraient de ne plus être acceptés sur certains marchés. Nous avons un retard important à ce niveau. II faut donc redoubler d’effort.
4- l’axe culturel : pour nous la culture est importante. Nous soutenons “la culture des lumières », nous devons faire évoluer notre patrimoine culturel à la lumière de l’évolution du monde.
5- l’axe des libertés individuelles et collectives : Si nous sommes bien représentés au niveau de la chambre des Représentants, nos élus vont soumettre des propositions au diapason des conventions ratifiées par le Maroc. Il en de même côté droits des femmes, qui doivent jouir de tous leurs droits. La question de la jeunesse est primordiale également. Il faut écouter et traiter les questions qui tracassent les jeunes, à savoir le chômage, les bourses d’études, les cités universitaires, l’accès équitable aux facultés et les établissements à recrutement limité.
7- le numérique qui a pris une grande place surtout avec la pandémie. Il faut le développer avec l’industrie et la formation des gens qui seront amenés à travailler avec.
8 – les personnes à besoin spécifique : elles sont 4 millions. Elles sont besoin d’une accessibilité comme toute autre personne aux services du public. Elles doivent être aidées dans la recherche de l’emploi à travers des aides spéciales.
Le programme détaillé est présenté aujourd’hui par les secrétaires généraux du CNI et PADS. Quant au travail sur terrain, Tahar Mouhouch assure qu’il se fait tout au long de l’année. Les sections de la FGD et la mise en place des instances de la FGD, étant en cours de renouvelement à la suite de la sortie du PSU de l’alliance électorale. Si le nouveau code électoral est certes à l’avantage de « petits » partis, malgré l’effort de clarification de la nouvelle fédération de Gauche, le retrait de la PSU risque de ne pas être compris par un électorat déjà bien éprouvé par les querelles intestines des partis.
.