La nomination d’une lobbyiste américaine, ancienne cadre de l’administration Obama, à un poste clé de la Commission européenne lié à la régulation des géants américains de la tech démontre l’hypocrisie de Bruxelles, qui dénonce depuis des mois de supposés versements en liquide qui auraient été effectués par le Qatar et le Maroc dans le cadre de leurs activités de lobbying.
L’exécutif européen a annoncé que Fiona Scott Morton, professeur d’économie à l’université de Yale, avait été choisie comme nouvelle économiste en chef à la Direction générale de la concurrence. Une décision étrange alors que les institutions européennes se disent fermement attachées à leur indépendance face aux influences étrangères.
En France, la colère monte. « Embaucher une lobbyiste américaine des GAFAM au moment où l’Europe se décidait enfin à limiter leur pouvoir, c’est un comble. Cette nomination est au mieux maladroite, au pire dangereuse. Dans tous les cas, la Commission doit y renoncer », a déclaré à l’AFP l’eurodéputé conservateur Geoffroy Didier (Les Républicains). « À Bruxelles, lorsqu’on sort un lobbyiste par la porte, il revient par la fenêtre », a-t-il fustigé.
– « Contraire à l’éthique » –
Le recrutement de Mme Scott Morton est « un scandale », a dénoncé l’eurodéputé écologiste Yannick Jadot, en demandant aussi à Mme von der Leyen « d’annuler cette nomination contraire à l’éthique ».
Le député macroniste de Paris, Benjamin Haddad, a tout de même déploré « une décision inexplicable ». « Aucun citoyen européen n’avait les compétences requises? », s’est-il interrogé sur Twitter.
L’exécutif européen a justifié l’ouverture du poste à des candidatures hors UE par « les connaissances très spécifiques requises ».
Malgré cette ouverture large, la Commission assure avoir reçu seulement « un nombre limité de candidatures ». Mme Scott Morton « s’est avérée être le meilleur choix parmi ces candidats, tant du point de vue de ses qualifications que de ses performances au cours de la procédure de recrutement », a expliqué la porte-parole.
Les réactions outragées se sont toutefois multipliées sur les réseaux sociaux.
« Nous avons travaillé d’arrache-pied pour réguler les GAFAM, ce n’est pas pour confier l’application de ces règles à leur lobbyiste. No way », a lancé l’eurodéputé de centre-gauche Raphaël Glucksmann.
« Naufrage de la prétendue +souveraineté européenne+ et annexion de notre continent par les nord-américains. Elle est belle leur Europe! », s’est exclamé Jean-Luc Mélenchon (gauche radicale) en critiquant Ursula von der Leyen.
Même tonalité à l’extrême droite. « L’UE ne se cache plus d’être une colonie de Washington! », s’est insurgé Florian Philippot, président des Patriotes.