L’armée algérienne a décidé de nommer la promotion 2020-2021 de l’Académie militaire de Cherchel – qui forme ses futurs officiers supérieurs – Mohamed Lamari, un des architectes du putsch de 1992, mort en 2012. Celui qui fut l’ancien chef d’état-major de l’armée algérienne s’était illustré par une approche rigoureuse et sans concession à l’égard de l’opposition politique.
Les couloirs parisiens avaient coutume de dire, à satiété, que c’est la France qui a exigé que les responsables militaires les plus en vue de la décennie noire (les généraux Mohamed Lamari et Brahim Fodhil Chérif) soient débarqués lors de l’été afin que la gestion du projet d’amnistie générale conçu par l’ancien président déchu Abdelaziz Bouteflika (en novembre 2004) puisse voir le jour.
Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a présidé le 8 juillet la clôture de la cérémonie de sortie de trois promotions d’officiers à l’Académie militaire de Cherchel (Tipaza, nord du Tell central). Baptisées du nom du défunt général de corps d’armée Mohamed Lamari, ancien chef d’état-major de l’armée algérienne, un des «janviéristes» et membre du clan des éradicateurs qui ont déclenché la confrontation avec l’islamisme politique et armé et qui commence avec l’interruption en janvier 1992 du processus électoral alors que celui-ci allait aboutir à la victoire du Front islamique du salut (FIS), ce choix fait polémique au sein du pays.
Mohamed Lamari est un des putschistes qui ont fait plongé l’Algérie dans l’anarchie. Artisan de l’«hyperterreur» ses mots d’ordre à l’égard des islamistes étaient «Exterminez-les tous !», «Je ne veux pas de détenus, je veux des morts !», «Ramenez les têtes !». Son nom était cité dans les scandales de conflit d’intérêts qu’a connus le marché des produits pharmaceutiques, puisque une des sociétés publiques algériennes spécialisées dans l’importation des médicaments était détenue par Mustapha Ait-Adjedjou, patron du Laboratoire pharmaceutique algérien (LPA), connu pour sa proximité avec Mohamed Lamari. Celui-ci est venu tenir le haut du pavé, notamment dans le domaine de la politique sécuritaire, durant toute la période de la sanglante guerre civile qui va s’ensuivre pendant une décennie. Il était un des hauts gradés nommés par le président Chadli (commandant des forces terrestres) contraignant ce dernier, soupçonné d’irrésolution politique, à démissionner et à interrompre le processus électoral légitime.
Mohamed Lamari, qui tient le record de longévité à la tête de l’institution militaire (1993-2004), concepteur de l’approche d’éradication, est devenu entretemps chef d’état-major de l’ANP en 1993. Il ne s’agit pas d’un mode opératoire prôné par les militaires, mais d’une notion politique et idéologique qui prône la violence envers toute opposition et qui renoncerait à la façade civile de l’édifice national et étatique algérien.
Mohamed Lamari s’est fermement opposé aux négociations de l’appareil militaro-sécuritaire avec certains groupes armés, en particulier l’Armée islamique de salut (AIS), prélude au surgissement du courant pragmatique mené par l’ancien président déchu Abdelaziz Bouteflika. Pousser les islamistes armés à la reddition n’était pas une proposition recevable pour Lamari, qui affichait publiquement son mépris envers les réconciliateurs modérés de son clan et les hommes de compromis qui gravitaient autour de lui.
Son intransigeance quant à une éventuelle réhabilitation du FIS, son manque de réalisme face à la question de la violence armée, les polémiques exacerbées quant à l’origine des actes de violence extrême attribués au Groupe islamique armé (GIA) durant la seconde moitié de la guerre civile, tous ces éléments ont provoqué sa mise à la retraite en juillet 2004, lui qui était réputé inamovible à la tête de l’ANP, mais son clan qui avait occupé longtemps les postes les plus stratégiques a continue d’afficher une attitude frondeuse à l’égard de la politique de Bouteflika, laquelle a pris un tournant populiste et nationaliste à forte connotation démagogue et identitaire.