Un vendeur ambulant a commis l’irréparable en tuant une femme qu’il a surprise en train de dérober une orange qui s’est offerte à sa vue.
«Une femme, la quarantaine, tuée par un poids en fonte de fer à Chefchaouen après avoir dérobé une orange». Des inconnus et des étrangers de passage ont assisté à la scène, déplorant un crime produit par l’infortune. Un crime qui reflète la pauvreté et le dénuement de vastes secteurs de la population de la ville. La misère sociale s’obstine à présenter son visage hideux sous des formes nouvelles et imprévues, lésant des individus dans le besoin.
Morte pour une orange. Le contexte de cet événement a indigné les utilisateurs des médias sociaux, soulignant les ravages de la paupérisation qui, naturellement, frappe surtout les couches les plus misérables. Faim, fureur, peur, contribuent à mettre le feu à cette poudrière sociale. L’étincelle, ce sont la négligence et l’indifférence.
L’atmosphère est froide, mais il reste surchauffée par la peur, la furie et les lendemains incertains. Une femme morte, un vendeur interpellé pour meurtre ; l’extraordinaire confusion des esprits se cantonne toujours sur les hauteurs du bavardage, expliquant la difficulté de s’assurer des conditions dignes de vie et de faire face aux revers de fortune.
Plus qu’une misère sociale, c’est une misère morale proche de l’impuissance. Point de solidarité, mais frustrations et de ressentiments (à l’endroit des nantis), de «ceux qui profitent». Au lieu d’embrasser la condition des plus démunis, des exclus, c’est-à-dire des gens en marge – nous aimerions oublier qu’ils sont exploités, et au cœur d’un système qui opte pour le regard froid du cynisme politique.
«Qui a volé l’orange ?» C’est la question que posait, il y a quelques années, un éphémère chanteur dans un célèbre télé-crochet. Disons que, partout, toute pauvreté est manque, privation, conscience aiguë de ce qu’on ne possède pas pour bien vivre. Le Liban, confronté à une contestation populaire inédite provoquée par grave crise économique et sociale qui perdure, donne la leçon. Les internautes marocains ont massivement diffusé et commenté la photo d’un marchand de fruits libanais qui fait don d’une partie de ses denrées aux plus démunis. Prenons-en de la graine !