Le procureur général du Roi près la Cour de cassation, président du ministère public, Mohammed Abdennabaoui a annoncé, mardi à Marrakech, qu’un diagnostic sur le mariage des mineurs est en cours d’élaboration par la présidence du ministère public. Cette étude permettra de jeter la lumière sur les problématiques judiciaires qui freinent la lutte contre ce phénomène.
Intervenant à l’ouverture d’un colloque de deux jours sur le mariage des mineurs, initié par la présidence du ministère public en coopération avec l’Unicef, Mohammed Abdennabaoui a souligné que dans le cadre de l’adhésion aux orientations générales de l’État pour une compréhension plus approfondie des différentes dimensions de ce phénomène et dans l’optique de trouver les solutions les plus efficaces pour y faire face, cette étude vise également à pointer du doigt les différents stratagèmes et moyens utilisés pour contourner la loi en vue de légaliser le mariage précoce ou d’en faire une réalité contraignante pour toute décision judiciaire.
Ainsi l’étude analysera les divers aspects d’ordre juridique et judiciaire entourant le mariage des mineurs, et d’autres sujets tels que la violence conjugale, l’expulsion du domicile conjugal, la négligence de la famille, le mariage forcé. La lutte contre le mariage des mineurs nécessite une réflexion sérieuse et une révision profonde de tous les aspects se rapportant à cette question qui bafoue les droits de l’enfant, garantis sur les plans constitutionnel et international. M. Abdennabaoui a soutenu que la protection de ces droits fait partie intégrante du développement global et de l’édification de la société démocratique moderne, comme l’a affirmé le Roi Mohammed VI, à maintes reprises, dans bon nombre de ses discours et messages, notamment le message royal adressé par le Roi aux participants aux premières Assises nationales du développement humain, tenues en septembre dernier à Skhirate, sur le thème «Développer la petite enfance, un engagement envers l’avenir».
M. Abdennabaoui a, en outre, mis l’accent sur le caractère multidimensionnel de la question du mariage des mineurs qui touche aussi bien aux aspects social et économique que culturel, religieux et judiciaire, tout en appelant les participants à ce colloque à garder à l’esprit pendant leurs débats et discussions l’ensemble de ces dimensions, notamment la hausse croissante et alarmante du nombre des demandes d’autorisation de mariage des mineurs. À ce propos, il a noté que le nombre de ces demandes déposées auprès des tribunaux au titre de l’année 2018 a dépassé 33.686, ce qui, a-t-il dit, soulève des interrogations au sujet des positions prises à l’égard de ces demandes par les différents intervenants et services judiciaires, dont le ministère public. Dans ce cadre, il a rappelé que la présidence du ministère public a promulgué plusieurs circulaires, dont la circulaire N° 20 relative au mariage des mineurs, et adressée aux membres du ministère public à travers les différentes juridictions du Royaume, les appelant à la préservation des droits des mineurs et à ne pas hésiter à s’opposer à toute demande de mariage ne tenant pas compte de leurs intérêts.
De son côté, la chef de Protection de l’enfance au bureau de l’Unicef au Maroc, Malika El Atifi a indiqué que ce colloque intervient aussi dans le cadre des efforts menés par l’Unicef, depuis une année, à travers divers partenariats avec les acteurs institutionnels et la société civile pour la mise en œuvre d’un projet pilote visant le renforcement des bases sociales et du cadre juridique ainsi que des services et prestations destinées aux filles vivant dans une situation de précarité et qui peuvent être victimes du mariage précoce. Mettant en relief la croissance alarmante des demandes concernant le mariage des mineurs, elle a soutenu, en conclusion, que la meilleure réponse à cette problématique très complexe réside dans la mise en place d’approches holistiques associant l’ensemble des intervenants et acteurs aussi bien dans le domaine juridique, que social, économique et culturel en vue de garantir la protection de cette frange de la société contre toutes les formes d’abus et d’exploitation.