Comme tout compatriote marocain, je condamne de toutes mes forces la résolution récemment adoptée par le parlement européen sur la liberté de la presse au Maroc.
Le parlement européen a montré, une fois de plus, qu’il réservait un traitement partial de deux poids, deux mesures à l’égard du Maroc, comparé à l’Algérie. Ce dernier pays tient d’une main de fer la presse et les journalistes algériens, dont plusieurs ont été arrêtés dans des circonstances suspectes, jugés et condamnés, soit dans le cadre de règlements de comptes au sein du sérail, comme c’est le cas d’Anis Rahmani (dix ans de prison), ou encore sous des prétextes fallacieux du genre collusion avec l’étranger, complots contre l’Etat. Pire encore, le quotidien «Liberté», qui appartenait au richissime algérien Rebreb, avait été suspendu au mois d’avril 2022, après trente ans d’existence.
Le journal effrayait la junte militaire, ne serait-ce que par les caricatures politiques de Dilem, qui était très critique à l’égard du pouvoir. Le richissime algérien, emprisonné puis relâché après huit mois de détention, dans le cadre d’une succession de procès contre plusieurs hommes d’affaires, après le limogeage de Bouteflika, sûrement en échange de la fermeture du journal « Liberté». Plusieurs sites électroniques avaient été fermés et leurs éditeurs jugés et emprisonnés.
Ces journalistes rejoignent trois chefs de gouvernement, une trentaine de ministres, des directeurs d’établissements publics et grandes entreprises (Sonatrach, Air Algérie, banque centrale…), une trentaine de généraux de l’armée qui croupissent dans les geôles algériennes, sans susciter ni la compassion des chantres des droits de l’homme, ni la condamnation de leurs tortionnaires. Plus grave encore, la junte vient d’interdire la ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH), qui se confondait pendant longtemps avec l’un de ses fervents militants, maître Ali Yahya Abdenour, décédé au mois d’avril 2021. Une ligue qui se tenait aux côtés des victimes des injustices, quel qu’ils soient, y compris les militants du FIS, et qui n’a jamais ménagé le pouvoir en place.
Le tableau des violations de la liberté de la presse me parait constituer en Algérie un motif urgent et grave d’une condamnation du parlement européen. Les bourreaux étant identifiés, La France revient à ses anciennes pratiques de chantage contre notre pays pour lui soutirer certains marchés stratégiques. Mais, il s’agit de pratiques malsaines, indignes d’un Etat. Paris commence d’ailleurs à récolter en Afrique les résultats de cette politique néocoloniale.
Bien évidemment, cela n’exclut pas pour autant notre responsabilité face au parlement européen, en ce sens que le vote a manifestement prouvé de manière éclatante que notre pays manque gravement de soutiens au sein du parlement européen. Trente sept voix contre 350 pour sur 450, un score qui reste dérisoire. Et ce n’est pas Lahsen Haddad qui va nous convaincre du contraire, dans ses longues lettres aux députés européens. Le résultat est là. Il est imputé à la diplomatie et au parlement marocain, dont les délégations multiplient les navettes entre le Royaume et l’Europe, pour finalement… un maigre score. Le parlement européen devrait arrêter de nous accuser, malgré tout, de disposer de lobbys puissants à Bruxelles !
*journaliste et écrivain