Au lieu de barrer le chemin aux jugements étroits ou sans sincérité, et de multiplier les précautions pour que les douteuses prétentions et les mauvaises intentions ne puissent pas travailler à organiser le règne du mensonge, l’AFP a choisi une nouvelle manière de déformer la vérité. Cette fois, ce sont les propos d’une ex-ministre espagnole des affaires étrangères sur la brouille diplomatique avec Madrid provoquée par l’accueil en Espagne du chef du Polisario qui ont été déformés.
Au Maroc, beaucoup reprochent à l’AFP de ne pas être ce qu’elle devait être, pour une institution dotée à grands frais de moyens pour vérifier les informations. Cette agence a-t-elle été fondée pour soutenir telle ou telle thèse, telle ou telle cause, tel ou tel principe ? On aurait préféré qu’elle étudie sans relâche et sans parti-pris toutes les questions, de chercher à découvrir tout ce qui résume le mieux toutes les données qu’elle aurait aperçues.
Arancha González Laya, dans un entretien publié par le quotidien El Periódico de España, a défendu «l’aide humanitaire», accordée à Brahim Ghali. Le titre de l’AFP est insidieux : une ex-ministre espagnole accuse le Maroc d’avoir procédé à des «écoutes». Et si l’agence rappelle que, selon des médias espagnols, le portable de Arancha González, qui a quitté le gouvernement lors d’un remaniement en juillet 2021, aurait été visé au moyen de Pegasus, elle indique que l’ancienne ministre «a refusé dans l’interview de répondre» aux questions sur ce point. Pourquoi donc utiliser un titre sentencieux qui déserte le terrain solide des réalités pour entrer dans le domaine un peu nébuleux des extrapolations ?Selon un rapport – rédigé par «Citizen Lab», un organisme canadien basé à l’université de Toronto -, au moins 65 indépendantistes catalans ont été espionnés par Madrid entre 2017 et 2020. Pour autant, la ministre n’a pas été questionnée sur le fait.
Fait étrange, l’AFP a fait l’impasse sur toute la partie consacrée à Ghali, se contentant d’une petite phrase qui n’informe en aucun cas les lecteurs. Qu’on y prenne garde : ceci ne tend à rien moins qu’à faire de certaines suppositions téléguidées des objets d’épouvante, et plus tard des problèmes. L’AFP déjà s’est assez mise en mauvais renom, et peut-être pourrait-on aller jusqu’à dire que beaucoup d’honnêtes gens s’interrogent sur son impartialité à l’égard du Maroc.
Le gouvernement de gauche espagnol, lui même utilisateur de Pegasus, a assuré ne pas savoir qui était à l’origine des écoutes dans le pays. Les médias espagnols qui ont évoqué l’implication de Rabat sont historiquement antimarocains.
L’AFP est devenue depuis l’affaire Pegasus une mécanique à répéter sous toutes les formes des idées données contre le Maroc et à faire en toute circonstance ce qui est le plus propre à léser ses intérêts. La guerre des idées n’est pas sans danger. Mensonges volontaires ou involontaires, peu importe. La gardienne de l’esprit public journalistique a fait son possible pour les propager. Une agence qui se borne à énoncer d’abord son jugement, pour citer ensuite (et infidèlement) les passages de nature à le confirmer, agit à travers une manière de procéder assez unique.