Faire des places boursières africaines un acteur majeur de la transformation économique et sociale du continent à l’horizon 2025 est l’un des objectifs du projet « African Exchanges Linkage Project (AELP) », un projet titanesque lancé en 2015 et toujours en chantier. En effet, les plus grandes bourses du continent se préparent à s’associer via ce projet. Une intégration boursière qui permettrait un meilleur dynamisme des bourses africaines, des levées de fonds plus importantes pour financer les économies du continent, ainsi que l’accompagnement des entreprises ayant investi en Afrique. Toutefois, la mise en œuvre de cette coopération boursière est soumise à plusieurs défis.
Pour permettre à l’Afrique de rattraper son retard en termes d’intégration des marchés financiers, l’African Securities Exchanges Association (ASEA) a décidé de mettre en place, sur proposition marocaine, l’African Exchanges Linkage Project (AELP) dont l’objectif est d’intégrer les Bourses et les marchés financiers du continent. Un projet qui devrait concerner, au départ, six places boursières du continent, à savoir la Bourse des valeurs de Casablanca (BVC), le Johannesburg Stock Exchange (JSE), le Stock Exchange Mauritius (SEM), la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) d’Abidjan, commune à huit pays d’Afrique de l’Ouest. Dans un second temps, l’AELP devrait intégrer l’Egyptian Exchange (EGX) et la Bourse de Tunis (BVMT), en attendant d’autres Bourses africaines séduites par cette dynamique d’intégration dont le but est de créer un levier de développement économique au profit de l’Afrique.
L’AELP consiste à créer des liens entre quatorze pays et sept marchés de capitaux africains représentant 85% de la capitalisation boursière et plus de 6% du PIB du continent. Mais des différences profondes existent entre les places concernées. La capitalisation totale, la liquidité, la fréquence d’échange des titres, les taux de rotation moyens des actions cotées, les langues de publication des informations financières sont parmi ces différences qui pourraient entraver le bon déroulement de ce projet d’intégration boursière. En effet, alors que Casablanca publie la quasi-totalité des informations financières des entreprises qui y sont cotées en français, le Caire en publie encore une part très importante uniquement en arabe. S’agissant des écarts majeurs qui persistent en matière d’ouverture aux investisseurs étrangers, prenons l’exemple de Nairobi, où ces derniers sont majoritaires et représentent 65%, et de Casablanca, là où ils sont largement minoritaires, à savoir un pourcentage de 10%.
Plusieurs acteurs boursiers africains ne sont pas convaincus par ce projet, apprend-on de Jeune Afrique, étant donné que plusieurs expériences similaires ont été conduites précédemment dans d’autres coins du monde et dont la plupart ont connu des résultats mitigés. En effet, les projets d’intégration qui ont été lancés en Asie du Sud-Est, en Amérique latine ainsi qu’en Europe centrale et orientale n’ont pas réellement fonctionné.
Lancé en fanfare en 2012, « Asean Trading Link », l’interconnexion électronique des Bourses de Thaïlande, de Malaisie et de Singapour, a été abandonnée en 2017 après avoir échoué à accroître significativement le volume de transactions entre les pays concernés. Même son de cloche du côté du « Mercado Integrado Latinoamericano (Mila) », qui intègre partiellement quatre places boursières : Colombie, Chili, Pérou et Mexique. Les opérations effectuées par l’intermédiaire de la Mila représentent moins de 1% de la valeur totale négociée sur les quatre Bourses. En cause : l’hétérogénéité fiscale, la difficile prise en compte des risques de change et la non-harmonisation des procédures de compensation et de règlement des transactions boursières. Des faiblesses également évoquées pour expliquer l’échec de l’expérience en Asie du Sud-Est et dont s’inquiètent déjà certains acteurs du secteur boursier africain.
Certes, l’African Exchanges Linkage Project est un projet ambitieux qui vise à donner un meilleur dynamisme des bourses africaines, des levées de fonds plus importantes pour financer les économies du continent, ainsi que l’accompagnement des entreprises ayant investi en Afrique. Toutefois, plusieurs obstacles bloquent toujours le bon déroulement de ce rapprochement boursier comme l’hétérogénéité fiscale, la difficile prise en compte des risques de change et la non-harmonisation des procédures de compensation. Il faut donc trouver des solutions pour harmoniser la régulation de ces marchés pour minimaliser les risques d’effondrement de ce grand marché financier au futur.






