Les bonnes barrières, affirme-t-on, font de bons voisins lorsqu’elles partent d’une volonté commune. L’Algérie, depuis des années; édifie de nouvelles cloisons toujours dans un contexte de tension permanente, marqué par l’affaiblissement des ressorts du régime.
L’Algérie est en train de bâtir plusieurs murs le long de ses frontières, écrit Le Monde Diplomatique dans son édition d’octobre. «Ce dispositif impressionnant, constitué de tranchées, de levées de sable, de clôtures et de murs de béton, entoure désormais la quasi-intégralité du territoire algérien, soit 6 700 kilomètres. Plus de cinquante mille militaires patrouillent dans la seule partie saharienne. Le mur de sable érigé à la frontière libyenne date de 2015 et s’est ensuite étendu à celles avec le Niger, le Mali et la Mauritanie» détaille le mensuel français.
Une barricade contre les migrants ? «L’Union européenne, via l’agence Frontex, et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) se réjouissent de la chute observée en 2017 du nombre de migrants en provenance du Niger : 79 % de baisse aux points de suivi des flux d’Arlit et Séguédine par rapport à 2016. Elles attribuent cette baisse à l’efficacité de leurs actions et à l’adoption par le Niger en 2015 d’une loi criminalisant la migration irrégulière, mais ne citent jamais l’impact du mur de sable algérien, construit en 2016 à la frontière du Niger. Il rend pourtant un grand et discret service à la politique d’externalisation européenne des questions migratoires. Cet ouvrage a en outre porté un coup aux échanges commerciaux qui font vivre la population locale touarègue et les commerçants arabes. C’est le cas notamment pour les habitants des villes jumelles dissymétriques qui se sont constituées de part et d’autre de la frontière entre l’Algérie, le Niger et le Mali» souligne Le Monde Diplomatique.
Un village malien à la frontière est devenu un lieu de trafic important, en particulier d’armes, ce qui a conduit à des opérations militaires algériennes. «Depuis, Alger a renforcé le mur en créant une triple enceinte pour interdire tout passage. Une seule sortie a été aménagée lors de la construction de ces enceintes qui se situent en partie sur le territoire malien (de même que la localité est en partie sur le territoire algérien). Le marché a alors périclité. Les jeunes habitants de la ville jumelle algérienne de Bordj Badji Mokhtar parlent d’un sentiment d’étouffement. De lieu d’échanges, la ville est devenue un cul-de-sac. L’érection du mur a été accompagnée d’une militarisation de la zone qui empêche toute activité transfrontalière–le commerce, les trafics, mais aussi l’élevage» a-t-on mentionné.
«Après avoir fermé officiellement la frontière avec le Mali en janvier 2013, au nom de la sécurité nationale, les forces armées algériennes ont, en 2018, prolongé le mur de sable, surnommé «El Pipe». Dans un article publié en 2020, Raouf Farrah constate que “la population n’a jamais été partie prenante de la réflexion autour de ce projet”. Or, ajoute-t-il, “sans l’adhésion des populations locales, sans un travail de proximité avec les jeunes qui maîtrisent les routes du désert, sans la prise en considération de l’écologie humaine du Sahara, tout effort sécuritaire, même légitime, devient une source de frustration qui alimente l’idée d’un mépris d’État et les tensions avec les services de sécurité”».
«Cette colère s’est exprimée en juin 2020, lorsque les autorités ont prolongé le mur le long de l’oued qui marque la frontière en le surmontant d’un fil de fer barbelé, empêchant ainsi les habitants, et notamment les éleveurs, de se déplacer et d’accéder à leurs puits, jardins et pâturages situés en territoire malien, ainsi qu’aux mines d’or qui y sont exploitées. Exaspérés, des jeunes ont tenté d’arracher la clôture, se heurtant aux forces de sécurité. Des émeutes ont éclaté. Et un jeune d’à peine 20 ans, Ayoub Ag Adji, a été tué par balle. Deux jours plus tard, le chef de la région militaire annonçait le retrait du barbelé et l’ouverture de points de passage pour les éleveurs. Pour contrôler un puits, un site industriel ou un aéroport Dans les parties sahariennes des pays maghrébins, les murs de sable matérialisent la fonction la plus dure–celle de barrière, de dispositif de sécurité, d’outil de défense – qui est assignée à la frontière» détaille le mensuel.
«Dressés aux abords des points de contrôle, [les murs érigés] permettent de sécuriser l’appropriation informelle des sites miniers aurifères – nombreux dans le sud de la Libye et le nord du Tchad –, de surveiller une piste ou une route asphaltée et enfin de contrôler l’accès à un puits, un site industriel, un aéroport ou une ville. Par exemple, la route qui relie Oubari à Ghat dans le sud-ouest de la Libye est contrôlée par un check-point prolongé par des murs de sable jusqu’aux contreforts montagneux qui l’encadrent. Koufra, dans le sud-est du pays, est entourée d’un vaste mur de sable qui interdit toute incursion clandestine. Des villes (avec leurs aéroports) sont désormais clôturées et même emmurées : Koufra donc, mais aussi Nouadhibou et Zouérate en Mauritanie, Tindouf, Bordj Badji Mokhtar et In Guezzam en Algérie, In Khalil, Kidal, Aguelhok et Gao au Mali, Syrte en Libye… Dans ce pays, le mur de sable en construction au nord du pays entre Syrte et la base aérienne d’Al-Joufra est l’ouvrage le plus long (plus de cent kilomètres début 2021) et le plus stratégique» dévoile le journal.
Surprise : «Il serait construit par le groupe russe Wagner pour le compte de l’Armée nationale libyenne (ANL) du maréchal Khalifa Haftar. Ce mur correspond à la ligne de front entre les gouvernements de Tripoli et de Tobrouk, constituée après l’échec de la prise de Tripoli par l’ANL en 2020. La mise en place d’un gouvernement de transition en début d’année a sans doute relativisé son importance : il n’a avancé que de quelques kilomètres vers le sud depuis février 2021» a-t-on conclu.