Échec et mat
La décision française de considérer que «le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine» a été, pour le régime algérien, un véritable coup de massue.
Sonnée, la hiérarchie algérienne a sommé son ministre des affaires étrangères de réagir. Deux communiqués de presse ayant été jugés insuffisants, M. Attaf a sacrifié au rite du point de presse pour dire, en gros, que la décision française ne peut rien changer à la question. Mais Attaf s’est contredit. D’un côté, il s’est employé à minimiser la portée de la décision française, mais, de l’autre, il a rappelé que son gouvernement «a exprimé aux autorités françaises la position algérienne sur cette démarche, en avertissant de ses répercussions et conséquences». C’est cette «évolution dangereuse», qui a poussé Alger à «retirer» son ambassadeur auprès de la république française. Le ministre a justement mentionné comme titre du troisième axe de son intervention «les répercussions de cette démarche [française] et ses conséquences sur la question du Sahara Occidental et sur la paix et la sécurité dans notre région». Mais il a inexplicablement escamoté ce passage, qu’il aurait été intéressant de creuser. Il a, en revanche, longuement développé deux points, dont nous ne retiendrons que les passages qui concernent directement le Maroc.
S’exprimant au sujet de la validité juridique de la décision française, le ministre algérien a cru devoir la résumer en une formule lapidaire : «C’est, a-t-il dit, un cadeau de celui qui ne possède pas à celui qui ne mérite pas». Affirmation inconvenante, mais, surtout, doublement erronée car, en l’occurrence, la France n’a rien donné au Maroc pour la bonne et simple raison que la France n’a rien à donner au Maroc. Le Maroc a déjà récupéré ce qui lui appartient. L’ayant-droit dans le cas d’espèce est bien le Maroc et ses titres juridiques lui suffisent. M. Attaf s’est manifestement trompé de pays. S’il est un pays auquel un autre pays a donné ce qui ne lui appartenait pas c’est bien l’Algérie. En réalité, et ce n’est pas faire injure au peuple algérien que de rappeler une vérité historique, la France a tout donné à son ancien département : un nom et, pour agrandir l’ancienne régence turque, des territoires pris aux pays voisins, dont le Maroc. A la France généreuse, l’Algérie reconnaissante.
Pas de cadeau
Le Maroc ne se place pas dans la logique des cadeaux et n’attend de cadeau de personne. Ce n’est pas faire un cadeau au Maroc que de reconnaitre sa souveraineté sur son Sahara. Les pays qui l’ont fait, dont la France, ont agi en fonction de paramètres qui sont propres à chacun d’eux. La «marocanité» du Sahara n’a pas attendu les différentes reconnaissances ou les soutiens au plan d’autonomie pour exister. Cette marocanité est effective et réelle, ce n’est pas une vue de l’esprit, elle est inscrite dans les gènes marocains. Qu’un État ami dise que le Sahara est marocain ne rend pas cette partie du royaume plus marocaine, mais, d’un point de vue diplomatique, tout soutien est le bienvenu.
Le Maroc n’a pas l’habitude de défendre des causes incertaines, et sa cause numéro un, la cause nationale est juste, que certains le veuillent ou non. Le Maroc ne laissera personne s’ériger en juge de ce qu’il mérite ou pas. Maître de ses horloges et de ses actes, le royaume décide seul de ce qui convient le mieux à ses intérêts supérieurs, le mot «mérite» étant ici totalement inapproprié et impropre. Et ce ne sont pas des «petites phrases» ou des punchlines laborieuses qui y changeront quoi que ce soit.
M. Attaf a regretté que la France «considère le plan marocain d’autonomie comme une solution seule et unique à la question du Sahara occidental, éliminant ainsi tout effort visant à rechercher une solution alternative à la question du Sahara occidental conformément aux résolutions internationales, notamment celles du Conseil de sécurité.» Quelle «solution alternative» ? Le ministre n’en a cité aucune. Dans ses différentes résolutions, le Conseil souligne «qu’il convient de parvenir à une solution politique réaliste, pragmatique, durable et mutuellement acceptable à la question du Sahara occidental qui repose sur le compromis.» Le même Conseil se félicite régulièrement des «efforts sérieux et crédibles faits par le Maroc pour aller de l’avant vers un règlement.» Clairement, la solution préconisée par le Maroc réunit les critères qui ont été fixés par le Conseil de sécurité. Cette solution, en outre, est la seule sur la table.
Une proposition bien vivante
Contrairement à ce que prétend le ministre algérien, ce n’est pas le plan d’autonomie qui est la cause de l’état de stagnation dans lequel se trouve le processus de règlement, mais l’obstination d’une des parties au différend, l’Algérie, qui refuse d’assumer ses responsabilités. M. Attaf l’a dit à sa manière, nous y reviendrons, le plan d’autonomie n’a pas été présenté à la table des négociations. Comment une proposition qui n’a jamais été examinée ou débattue peut-elle bloquer le processus onusien ?
Cela étant, la proposition marocaine d’autonomie n’est pas morte et enterrée et il n’est nul besoin de vouloir la «faire renaître … de ses cendres.» Cette proposition est bien vivante et elle recueille de plus en plus de soutiens, comme en attestent les différentes prises de position enregistrées de par le monde, la dernière en date étant précisément celle de la France, qui s’ajoute à celles des États-Unis, de l’Espagne, des pays du Golfe et des dizaines d’autres pays et non des moindres. Ce qui stagne, c’est la thèse éculée défendue depuis des lustres et sans résultat par une Algérie de plus en plus isolée. La proposition marocaine existe et elle est largement soutenue. Quelle est l’alternative que peut présenter Alger ?
Lorsqu’il fait mine de s’étonner que la proposition d’autonomie n’ait jamais été discutée, le ministre fait preuve de mauvaise foi. Il s’agit, entendons-nous bien, d’une proposition, soumise aux parties. Pour discuter, comme pour danser le tango, il faut être deux. Or, l’Algérie se dérobe en affirmant contre toute logique qu’elle n’est pas partie prenante. Ce petit jeu a assez duré.
Chimères
M. Attaf aura beau vouloir dénigrer la proposition d’autonomie en s’aidant de soi-disant «commentaires d’un certain nombre de responsables de l’ONU», la réalité est incontournable. La proposition est réaliste et sérieuse et constitue une base pour des négociations politiques sur le règlement du différend. C’est dans ce sens que se dirige la communauté internationale et ainsi en jugent de nombreux pays, dont deux membres permanents du Conseil de sécurité. L’Algérie serait bien inspirée de s’y joindre, pendant qu’il est encore temps et arrêter de se bercer d’illusions ou de croire aux chimères.
Nous ne nous attarderons pas outre mesure sur la référence incongrue et déplacée du ministre à une prétendue «transaction.» Nous n’évoquerons pas non plus sa nervosité, son ton cassant et donneur de leçons aux journalistes, signes manifestes d’un grand désarroi.
Le gouvernement algérien est d’avis que la décision française ne peut pas «changer les données juridiques internationales concernant la question du Sahara occidental» ? Grand bien lui fasse.
M. Attaf n’a pas explicité en quoi la décision française constituerait, selon lui, une «évolution dangereuse» susceptible d’avoir des «répercussions» et des «conséquences sur … la paix et la sécurité dans notre région.» De quelles menaces ces propos sont-ils le nom ? Car, soyons clairs, s’il y a une atteinte à la paix et à la sécurité dans la région, elle ne peut provenir que du territoire algérien, suscitée, approuvée ou commise par le régime algérien, comme il le fait depuis bientôt cinquante ans.
Plus que jamais, le régime algérien s’est dévoilé au grand jour en réagissant fébrilement chaque fois qu’un pays opte pour le réalisme. Après ce tohu-bohu, il faudrait une sacrée dose d’impudence pour prétendre que l’Algérie est un simple observateur.