Depuis le 2 décembre, date à laquelle des médias allemands ont publié sous le titre « Nous ne voulons pas d’une nouvelle Turquie en Méditerranée occidentale » des extraits d’un rapport du service de renseignement allemand (BND) rédigé par Isabel Werenfels, chef du bureau de renseignement pour l’Afrique du Nord et le Moyen- Orient au sein du BND, la presse au Maroc s’en fait l’écho également.
Pour quels enjeux le rapport d’Isabel Werenfels a-t-il été élaboré ? Le rapport secret a été rédigé par celle que l’on surnomme la femme de fer du service de renseignement allemand le BND, experte de la région MENA. Depuis sa prise de fonction, elle se concentre particulièrement -avec ses collègues de travail- sur les relations de l’Allemagne avec le Maroc, et sur la nécessité de limiter ses ambitions, qui seraient contraires aux intérêts allemands, et par ricochet aux intérêts européens également.
Dans le rapport d’Isabel Werenfels, il est expressément suggéré de faire pression sur le Maroc pour limiter sa souveraineté : « L’alliance maroco- israélienne est un choc puissant pour l’Union européenne et pas seulement pour l’Allemagne, car elle représente une menace pour ses intérêts et une menace directe pour elle-même à court et à moyen terme, l’Afrique du Nord étant pour l’Union européenne une zone fertile pour vendre ses produits et une porte par laquelle elle peut accéder à l’immense marché africain ».
Parmi les assertions marquantes d’ Isabelle Werenfels dans le rapport secret qui a fuité, il en est certaines qui montrent sans aucun doute que l’Allemagne fait chanter le Maroc à cause de ses aspirations pour un leadership africain : « Je suis arrivée à la conclusion que le plan qui a coûté beaucoup d’argent aux contribuables allemands, a échoué, et voici une nouvelle Turquie qui a commencé à émerger dans la Méditerranée occidentale ».
Dans ce contexte, le lobbying de l’agence de renseignement allemande et le contrôle effectif sur de nombreux secteurs industriels en Afrique, ont joué un rôle important dans la perturbation de la marche des entreprises marocaines et leur expansion dans l’Afrique de l’Ouest et dans de nombreuses régions africaines. Son action économique s’est accompagnée de lobbying politique, dans le but de nuire aux intérêts du Maroc et de l’affaiblir dans la région.
Pour élargir cette pression qui vise le Maroc, le rapport de Werenfels s’attaque aux relations du Maroc avec l’Espagne dans le but d’européaniser le chantage allemand qui vise le Maroc au Maghreb et en Afrique. Elle y précise ainsi : « notre allié espagnol se plaint beaucoup du soutien américain au Maroc, en particulier après les accords d’Abraham. Nous avons également remarqué un coup de froid entre Washington et Madrid, et cela s’est traduit par le transfert de nombreux soldats américains des bases espagnoles vers les bases italiennes. Le volcan qui sommeille entre Madrid et Rabat menace d’exploser, et Berlin ne peut être qu’un fervent partisan de Madrid. Il y a un problème avec le Sahara, et Rabat s’attaque à quiconque qui s’oppose à sa volonté de voir cette région faire officiellement partie de ses frontières géographiques ».
Le rapport insiste sur « l’affaire de la délimitation des frontières maritimes entre le Maroc et l’Espagne, notamment les villes de Ceuta et Melilla, situées à l’extrême nord du Maroc et sous administration espagnole ». Et ce, en lui donnant une tournure politique pour rallier toute l’Europe à l’ambition allemande de faire du Maroc l’ennemi numéro 1 pour sa propre expansion économico-politique : « nos rapports confirment que ces deux villes sont soumises à un terrible siège marocain et que nous devons les aider financièrement et économiquement, car elles font partie intégrante de l’Europe et constituent des débouchés stratégiques non seulement pour Madrid, mais même pour l’Union européenne« .
S’agissant de l’Allemagne, le responsable du BND, Bruno Kahl, a déclaré : « en parcourant les documents dans les archives des services secrets, elle m’a assuré qu’avant l’accord militaire et sécuritaire entre Israël et le Maroc, nous avons rencontré un puissant service secret marocain, un concurrent féroce et obstiné, qui avait des connexions et des actions non seulement en Europe occidentale mais même en Europe de l’Est. Et d’après ce que j’ai également vu dans ces archives, c’est que notre appareil a tenté de créer de nombreux problèmes complexes pour le Maroc, et d’arrêter ses activités dans de nombreuses parties de l’Afrique au détriment de ses ennemis et concurrents traditionnels dans la région.
Toutefois, les mêmes rapports de renseignement confirment, selon le rapport de Werenfels, qu' »ils (i.e. Ceuta et Melilla) sont au bord de l’effondrement, et c’est pourquoi nous appelons le gouvernement (allemand) à œuvrer pour un support global de notre allié espagnol… à soutenir dans cette affaire ».
L’un des extraits les plus importants du rapport, qui se présente sous la forme de déclarations de volonté pour le gouvernement allemand, est que : « L’accord israélo-marocain nous épuisera (i.e. l’Allemagne) ; d’autant plus que pour les marchés miniers, pour lesquels nous avons défini une stratégie depuis 2019 lorsque nous avions conclu un accord avec plusieurs de nos sociétés pour opérer en Afrique, et nous étions certains qu’elles commenceraient clairement à pénétrer ce grand marché en 2020. Mais la pandémie du Covid-19 a retardé ce projet que notre pays avait bien planifié et mûrement pensé, nos relations commerciales avec l’Afrique étant encore très faibles, malgré l’engagement de l’ancienne chancelière Merkel, qui a mis en place un fonds d’un milliard d’euros pour soutenir et sécuriser les investissements en Afrique, l’Allemagne étant à la traîne en termes d’investissements directs, seuls 1% des investissements étrangers allemands vont actuellement en Afrique.
En guise de recommandation pour l’Etat allemand, le rapport s’achève sur ces mots : « Le Maroc n’est pas enthousiaste à l’idée d’engager un partenariat avec Berlin, il faut donc accéder à l’Afrique via l’Algérie qui offre à l’Allemagne tous les privilèges et facilités dans le domaine économique et même politique. L’entrée d’une puissance économique commeIsraël en partenariat avec une puissance émergente comme le Maroc ne nous laissera même pas (i.e. l’Allemagne) un espace d’expansion dans une région riche en minerais dont l’industrie allemande a besoin, car notre action ne s’est pas opérée avec la rapidité requise ».
En ce qui concerne la Libye et la Tunisie, le rapport recommande qu’ »Elles doivent être au centre de notre attention, et l’immense désert qui s’étend sur la bande algéro-libyenne sera une zone propice à la relance du projet Desertec, en accord avec nos partenaires ». Le rapport considère enfin l’Égypte comme « un partenaire fiable pour notre (Allemagne) expansion en Afrique de l’Est, qui possède des gisements miniers et énergétiques importants pour notre pays ».
Le rapport a également fait réagir,, outre la presse, la blogosphère et la twittoma en particulier. Elle s’avère consciente des manipulations politiques allemandes pour contrer le Maroc, le faire chanter pour réduire son indépendance de ton et d’action à n’importe quel prix, notamment celui de la diffamation. Dans les tweets ci-dessous qui rapportent des révélations de journaux marocains sur des ONG sensées être indépendantes, on comprend que ceux qui y président ne le sont aucunement, comme c’est le cas pour ATTAC Maroc, créée de toute pièces pour nuire au Maroc.