Après une hausse spectaculaire des cas de contamination au coronavirus en Europe, le Maroc a commencé à suspendre ses liaisons maritimes et aériennes avec certains pays de l’UE, notamment l’Italie, l’Espagne et la France.
Le monde économique tourne aujourd’hui au ralenti suite à la propagation du nouveau coronavirus, si bien que plusieurs instances économiques internationales, notamment l’Organisation de coopération et de développement économique et le Fond monétaire international, ont indiqué que la trajectoire de la croissance mondiale témoigne d’une forte baisse. Le Maroc n’échappe pas à cette réalité. En effet, l’alerte sur la croissance économique a été lancée par le patron du HCP, Ahmed Lahlimi. D’après lui, la croissance économique du Maroc devrait être revue à la baisse à près de 2% en 2020, contre une prévision initiale de 3,5%.
Selon une autre note, publiée par CFG Bank, le secteur du tourisme marocain pourra subir une baisse allant jusqu’à 39% du nombre de touristes. Une contre-performance qui devrait être compensée partiellement par les effets d’entraînement positifs générés par la chute des cours du pétrole. Ce scénario met en exergue la forte dépendance de l’industrie touristique marocaine des touristes en provenance de la zone euro et par conséquent des performances économiques de cette région.
Le tourisme, premier secteur exportateur avec 22% du total des exportations de biens et services, subira ainsi de plein fouet la crise du coronavirus. Cette baisse de 39% équivaut à plus de 5 millions de touristes en moins en 2020. Par conséquent, l’impact sur le chiffre d’affaires en devises du secteur risque d’être lourd. Ce scénario comprend une forte baisse du nombre de touristes français avec -50%, aucun touriste en provenance d’Italie et une baisse de 20% des arrivées des autres pays. D’autres secteurs seront aussi impactés par la crise engendrée par le covid-19, notamment le commerce extérieur, ce qui risque de creuser le déficit budgétaire et la balance commerciale et touristique du Royaume.
L’Union européenne sera aussi impactée par cette suspension des liaisons maritimes et aériennes. Une baisse de touristes sera ainsi constatée puisque les pays européens se trouvent parmi les destinations touristiques les plus prisées par les Marocains. Ceci se traduirait aussi par une régression des recettes générées par les droits de visa. Soulignons également que les agences de voyages européennes, à l’instar de l’ensemble des acteurs de l’industrie touristique, vont subir de plein fouet la propagation fulgurante de la pandémie du nouveau coronavirus (Covid-19). Les annulations des réservations et des demandes de remboursement sont des facteurs qui menacent non seulement les agences de voyages européennes, mais également les établissements hôteliers, les compagnies aériennes, les restaurants et les autres intervenants dans le secteur du tourisme.
Rappelons que le Maroc s’est consolidé comme une porte d’entrée d’investissements et d’échanges commerciaux entre les continents africain et européen. Le Royaume se positionne aujourd’hui comme une plateforme d’entreprises continentales, une porte d’entrée de l’Afrique pour l’Europe et un point nodal pour les connexions aériennes et le flux de marchandises. L’interruptions des liaisons aériennes et maritimes va occasionner des pertes majeures quant aux entreprises européennes basées au Maroc, notamment les fabricants et les fournisseurs de pièces automobiles et aéronautiques.
Dans un contexte d’accélération de la croissance de l’économie européenne, les demandes des pays européens de biens adressées au Maroc ont continué de croître rapidement, notamment par la France et l’Espagne, permettant ainsi aux exportations marocaines à destination de ces pays de croître de manière significative. S’agissant de l’Espagne, le Maroc est le 11ème fournisseur et le 9ème client avec une part de marché en nette progression. Il représente aussi 2% des exportations de l’Espagne vers le monde en 2017, contre 1,2% en 2010. Le Royaume représente 2,8% des importations de l’Espagne en 2017 contre 1,9% en 2010. Quant à la France, le commerce bilatéral a affiché, en 2017, une hausse de 6% par rapport à 2016. Les exportations marocaines vers la France ont augmenté de 17,9%. Les importations ont par contre baissé de 4,6%. Globalement le solde bilatéral a été excédentaire de 4,4 MMDH pour la première fois depuis 2004. Les volumes du commerce extérieur seront ainsi affectés négativement par la suspension des liaisons maritimes et aériennes entre le Maroc et l’UE.
Par ailleurs, le Maroc se trouve parmi les premiers fournisseurs des fruits et légumes en Europe. Et la tendance haussière des exportations de fruits et légumes devait continuer de progresser en 2020. Et ce, avant la prolifération du coronavirus qui va sûrement perturber les chaînes d’approvisionnement. Selon la FEPEX (Fédération espagnole des exportateurs de fruits et légumes), le Royaume, qui fait de l’agriculture un objectif stratégique depuis des décennies, a gagné en 2019 des parts de marchés à l’export. Et ce, notamment vers des pays bien souvent concurrents sur les marchés internationaux, comme l’Espagne avec une croissance de 33% et un volume d’export de plus de 4 MMDH de fruits et légumes. Rappelons qu’avec un volume d’exportation avoisinant 59,35 millions de kilotonnes, soit une augmentation de 26,52 % en 2019, la tomate marocaine s’est littéralement répandue en Espagne. Les pays européens risquent ainsi d’importer plusieurs produits à prix exorbitants dans les jours à venir pour éviter un scénario de pénurie qui pourrait prochainement pointer le bout de son nez.
Soulignons que le mouvement des travailleurs marocains saisonniers en Europe sera également impacté par la suspension des vols aériens et du trafic maritime entre le Maroc et certains pays européens, ce qui se traduirait par une baisse de recrutement. Selon le ministère du Travail et de l’Insertion professionnelle, 22.000 travailleurs marocains ont été embauchés en 2019 pour des contrats de travail à l’étranger. 98% de ces travailleurs à l’étranger sont saisonniers et exercent majoritairement en Espagne. Une poignée travaille également en France et en Allemagne. Les principaux secteurs d’activité sont l’agriculture, la grande distribution, l’hôtellerie, la restauration, le commerce, l’industrie, l’enseignement et la coiffure.
Pour rappel, le Maroc a décidé la suspension, jusqu’à nouvel ordre, de toutes les liaisons aériennes et maritimes de transport de passagers, en provenance et à destination de l’Italie, l’Espagne et la France. Après l’Italie, le coronavirus se propage désormais à une vitesse record à travers l’Europe, mettant le continent sous forte pression pour contenir l’épidémie de pneumonie virale dont le bilan ne cesse de s’alourdir dans le monde.