L’arrivée frauduleuse de Brahim Ghali le 18 avril dernier, avec un faux passeport diplomatique n’a fait que dévoiler une crise latente qui devait remonter à la surface. Le double jeu de l’exécutif espagnol ne pouvait continuer indéfiniment : appuyer le plan d’autonomie au Sahara -on se souvient des câbles diplomatiques diffusés par Wikileaks -et ne pas œuvrer pour une solution en sens. Agiter la neutralité mais agir activement en pleine crise avec l’UE en 2016, pour la signature de l’accord de pêche avec le Maroc autorisant l’exploitation des ressources halieutiques à coups de centaines de chalutiers au Sahara ; et obtenir également en avril 2020, le retour de la flotte, dans les eaux territoriales marocaines, malgré la crise sanitaire du Covid-19. Que d’actes de bonne volonté côté Maroc !
L’Espagne est un Etat voisin du Maroc, un partenaire bilatéral et multilatéral en tant que maillon dans l’accord UE-Maroc. Mais l’Espagne est également le colonisateur du Maroc à travers les villes de Sebta et Melilla qui se trouvent sur le territoire marocain et donc africain ainsi que d’une multitude d’ilots dans les eaux territoriales marocaines. L’Espagne, pour ces raisons coloniales au nord du Maroc et d’influence sur le continent, n’a jamais clarifié sa position sur le Sahara. Résoudre un conflit territorial, au Sud ouvrirait la voie à celui des colonies, car il faut bien les appeler ainsi, du Nord.
De là, ses politiques de voisinage avec le Maroc, sont tour à tour respectueuses de son propre code pénal, du droit européen, international, ou frauduleuses des mêmes droits.
Il faut le souligner, la reconnaissance de la marocanité du Sahara par les Etats-Unis il y a quelques mois, a mis le Maroc sous les feux de rampe internationale. Tout ce qui y touche est désormais mondialement médiatisé. La communauté internationale a ainsi assisté à une mise en scène de l’Espagne, qui, pour préserver ses intérêts politiciens, a invoqué des raisons humanitaires derrière l’hospitalisation incognito d’un criminel de guerre. Passons la tentative avortée de l’affrètement d’un avion pour le faire sortir clandestinement comme il y est entré.
Ces faits-là ont néanmoins obligé l’Espagne en arrêtant la date d’un début de procès hier, au décorum démocratique dont elle se prévaut. L’apparat était de petite facture. Pour se dédouaner, elle a offert au monde une audition sur mesure, au cours de laquelle Ghali a nié les faits qui lui sont reprochés et un blanc-seing au tortionnaire pour un billet retour vers Alger le même jour.
Oui, l’Espagne bénéficie et use abondamment de sa position confortable de « partenaire » du Maroc et de l’UE, grâce à son statut de pays européen au sud du pourtour méditerranéen.
Et cette position de gagnant à 100% sur les deux fronts, mène notre voisin direct à jongler selon ses intérêts immédiats, au détriment, selon le cas, de ses devoirs en tant que pays d’un ensemble géographique (EUROPE) ou membre d’union politico-économique sui generis (UE), ou politico-sécuritaire (OTAN, notamment depuis 2002 date du renforcement des alliances de l’organisation avec les pays européens par la mise en place de l’Identité européenne de sécurité et de défense.
Quand ses intérêts ne sont pas alignés avec son statut dans l’OTAN, l’Espagne fait cavalier seul, comme à Sebta et Mellila ou s’ingère dans les décisions de sa justice « indépendante » comme cela s’est produit avec l’affaire de Hugo Armando Carvajal, l’ancien chef du renseignement militaire vénézuélien, réfugié en Espagne, qui a mystérieusement disparu le jour même où la justice espagnole autorisait son extradition vers les États-Unis.
C’est ce pays-là, fort de son pouvoir démocratique dont la base est la séparation des pouvoirs qui, comme le rappelle à juste titre notre confrère Eco Actu par la voix de l’avocat et militant des droits de l’Homme, Abdelkebir Tabih « en invoquant des considérations humanitaires pour tenter d’expliquer son attitude, le gouvernement espagnol a reconnu implicitement qu’il était au fait de l’usurpation de l’identité de l’individu concerné et que son passeport était falsifié, ce qui est considéré comme un crime tel que stipulé par l’alinéa 3 de l’article 451 du Code pénal espagnol. »
Pendant ce temps, le Maroc, à travers la voix de son Monarque, a demandé sous les applaudissements des dirigeants de l’UE, le rapatriement des mineurs clandestins, bien que le droit international n’impose d’évacuation vers le pays d’origine que des personnes majeures.
Que faut-il en retenir ? 1. Que l’Espagne considère le Maroc comme un territoire transitaire pour ses intérêts commerciaux en Afrique.
2. Que la justice espagnole est au service d’impératifs géopolitiques de l’Espagne et de sa vision colonialiste hier comme depuis 1956.
3. Que le Maroc reste attaché au processus onusien concernant le Sahara, ce qui lui a valu la reconnaissance par les Etats-Unis de sa marocanité et l’ouverture de nombreux Consulats étrangers au Sahara marocain.
Le reste n’est que gesticulations d’un exécutif espagnol qui s’essouffle de vouloir remettre au gout du présent une vision passéiste colonialiste et hégémonique.