Un phénomène social toujours aussi répandu dans le Royaume, le mariage des mineurs décroisse très lentement, et demeure malheureusement en expansion dans le milieu rural.
Selon les données officielles, révélées par le Parquet, 19.926 demandes de mariage de mineurs ont été émises par les tribunaux marocains en 2020, avec 13.335 demandes ayant obtenu une autorisation légale. Un fléau qui va à l’encontre des réformes progressistes du Maroc.
Une pratique patriarcale qui engendre plusieurs impacts psychiques, surtout pour les filles. Contactée par l’équipe de Barlamane.com, Dr Nada Azzouzi, psychiatre, hypnothérapeute et nutritionniste, nous éclaire un peu plus sur ce fléau.
« Ces jeunes filles se livrent dès leur jeune âge à une vie qui d’office n’est pas encore la leur, parce que ce sont encore des enfants. Quand elles sont mineures elles n’ont ni la maturité ni la préparation nécessaire pour avoir une vie sexuelle ou celle d’un couple », explique Dr Azzouzi.
Un traumatisme qui peut durer des années
Selon l’experte, certaines de ces jeunes filles vivent, même des années plus tard quand elles deviennent des femmes ou parfois même mères, le traumatisme de leurs nuits de noces et des jours qui ont suivi.
Même quand les maris ne se montrent pas violents, la situation qu’endurent ces jeunes filles reste tout de même accablante. « Que le mari soit gentil ou pas, cela n’y change rien, c’est un moment où elles subissent cet acte sexuel, elles n’y participent pas. La majorité de ces filles ne comprennent pas ce qui leur arrive. D’ailleurs, on remarque pas mal de dénis de grossesse et de dépression », indique-t-elle.
Hormis le côté psychique, il y’a également un risque de santé en général suite à ces actes sexuels qui surviennent beaucoup trop tôt qu’ils ne le devraient. Ce qui engendre « Une grande mortalité maternelle de cette tranche d’âge parce que leur corps n’est pas encore prêt », met en garde Nada Azzouzi.
Maintien d’une position d’infériorité
Les effets de la déscolarisation sont encore plus marqués dans ce genre de situation. En effet, les mariages forcés maintiennent les femmes dans une position inférieure par rapport aux hommes, elles sont dans l’incapacité de se défendre ou de revendiquer leurs droits, étant donné qu’elles ne les connaissent pas.
Afin de remédier à ce fléau qui continue de ronger la société, « Il faudrait sensibiliser les parents, faciliter la scolarisation, il faut un véritable travail de mise en place de structures et moyens sociaux », souligne l’experte.
Même quand les mariages ne sont pas forcés, les jeunes mariées ont du mal à exprimer leurs désirs, et sont bafouées dans leurs droits les plus élémentaires. Même le divorce devient difficile, non seulement parce qu’elles ne peuvent pas avoir de l’autonomie due à la déscolarisation, mais aussi par peur des regards de la société qui jugent encore de nos jours, le divorce comme étant honteux.
Par ailleurs, « parmi les impacts, c’est la violence conjugale qui va engendrer une dépression, des états de stress post-traumatique, ou encore de la schizophrénie. Priver ces fillettes de leur liberté de pouvoir choisir leur vie, c’est en soi c’est un grand traumatisme », déplore la même source.
Et même quand ces jeunes filles deviennent conscientes de ce qui leur arrive, et souhaiteraient changer le cours des choses, elles n’arrivent pas à s’exprimer, par peur d’être répudiées, que ce soit par leur mari ou leur famille.
Une situation paradoxale
Alors que le mariage des mineurs est illégal selon le Code de la famille marocain, paradoxalement, le même code prévoit la possibilité d’exemption dans certaines circonstances soi-disant spéciales. Le code stipule qu’un juge a le pouvoir d’autoriser les mariages de mineurs en vertu de l’article 16 dudit code, créant une échappatoire qui empêche l’éradication du mariage des enfants au Maroc.