La Turquie a convoqué, mercredi, l’ambassadeur des États-Unis à Ankara pour protester contre une «décision dépourvue de fondement juridique».
La Turquie a convoqué, mercredi 30 octobre, l’ambassadeur des Etats-Unis à Ankara, pour protester contre la reconnaissance du « génocide arménien » par la Chambre des représentants. Une «décision dépourvue de fondement juridique», selon les autorités turques. La veille, la Chambre basse du Congrès américain s’est prononcée à son immense majorité pour la reconnaissance formelle du «génocide arménien».
C’est la première fois qu’une telle résolution était soumise à un vote en séance plénière aux États-Unis. Appelant à «commémorer le génocide arménien», à «rejeter les tentatives (…) d’associer le gouvernement américain à la négation du génocide arménien» et à éduquer sur ces faits, ce texte non contraignant a été adopté par 405 voix (sur 435), avec une rare union des démocrates et des républicains, 11 voix contre et 19 abstentions.
Le résultat du vote a été accueilli par des applaudissements dans l’hémicycle. Le génocide arménien est reconnu par une trentaine de pays et la communauté des historiens. Selon les estimations, entre 1,2 million et 1,5 million d’Arméniens ont été tués pendant la première guerre mondiale par les troupes de l’Empire ottoman, alors allié à Allemagne et à l’Autriche-Hongrie. Le premier ministre arménien, Nikol Pachinian, a «salué le vote historique du Congrès américain reconnaissant le génocide arménien», jugeant que cette résolution «est un pas audacieux vers la vérité et la justice historique qui offre également un réconfort à des millions de descendants des survivants du génocide arménien».
De son côté, la Turquie a réagi immédiatement par la voie de son ministère des affaires étrangères en «condamnant fortement» un «acte politique dénué de sens», ayant pour «seuls destinataires le lobby arménien et les groupes anti-turcs». En avril 2017, peu après son arrivée à la Maison Blanche, Donald Trump avait qualifié le massacre des Arméniens en 1915 d’« une des pires atrocités de masse du XXe siècle», tout en se gardant d’employer le terme «génocide». Ankara avait alors exprimé sa colère, dénonçant la «désinformation» et les «mauvaises définitions» du président américain.
La Turquie refuse l’utilisation du terme «génocide», évoquant des massacres réciproques sur fond de guerre civile et de famine ayant fait des centaines de milliers de morts dans les deux camps. Ce vote survient alors que les relations entre les États-Unis et la Turquie, alliés au sein de l’Otan (Organisation du traité de l’Atlantique Nord), viennent de traverser une nouvelle zone de fortes turbulences.
Cette décision a suscité un tollé au sein de la classe politique américaine, jusque dans le camp républicain du locataire de la Maison Blanche, dont des élus ont menacé d’imposer des sanctions «infernales» à la Turquie et à ses dirigeants. Face à la pression, le gouvernement américain a lui-même annoncé des mesures punitives, plus modestes, avant de les lever à la faveur d’un cessez-le-feu négocié avec Ankara.