Le «Makhzen» français a-t-il épuisé tous les moyens pour faire taire l’opposant politique Juan Branco ? Depuis la sortie, en 2019, de son livre à large succès, «Crépuscule», dans lequel il appelle à la chute du régime, l’avocat contestataire est devenu la bête noire de l’establishment français, l’homme à abattre. Fuse une avalanche de critiques, de calomnies, voire d’insultes, dans divers supports médiatiques, écrits et audiovisuels. La presse aux ordres de l’Etat profond, n’en déplaise à certains, Aboubakr Jamaï en tête, se passe le relai pour discréditer ce jeune intellectuel reconnu qui dérange les hautes sphères, le «Makhzen» hexagonal. Aujourd’hui, l’homme doit faire face à une accusation de viol, qu’il nie de toutes ses forces. Si la justice française reste la seule juridiction à le condamner ou à l’innocenter, il n’en demeure pas moins que la rapidité avec laquelle cette nouvelle affaire a atterri dans les rédactions, intrigue, d’autant que certaines d’entre elles semblent déjà avoir condamné M. Branco.
Une enquête pour viol visant l’avocat Juan Branco a été ouverte, selon une information du Parisien, publiée vendredi 30 avril et rapportée par l’Agence France-Presse (AFP), reprise évidemment par d’autres médias. Selon ces médias, une jeune femme de 20 ans a déposé une main courante au lendemain d’une rencontre avec l’avocat de 31 ans. La main courante vise à signaler des faits aux forces de l’ordre, sans constituer une demande d’engagement des poursuites, contrairement à une plainte.
Dans l’affaire Branco, le récit de la plaignante est exposé en termes très vigoureux, en détail, sans aucune restriction. Sur ce point, elle se repose sur la déposition et sur les propres explications de l’intéressée. Les articles écrits soutiennent l’accusation, exposent clairement les faits, groupent avec force les circonstances qui enserrent l’événement. Les simples soupçons qui entourent Juan Branco se trouvaient rappelés comme des vérités essentielles, et les rumeurs les moins probables prenaient, puisqu’il s’agit d’un farouche opposant d’Emmanuel Macron, toute l’apparence de la certitude. La presse française révèle des éléments, des indiscrétions, des discours, supposés accabler M. Branco, qui fait également l’objet de poursuites disciplinaires du conseil de l’Ordre des avocats de Paris.
Jeune doué, bardé de diplômes et ayant fréquenté les meilleurs universités et instituts de France, Juan Branco, par ailleurs défenseur des «gilets jaunes», fait l’objet de tirs croisés de toute part parce qu’il fait trembler l’establishment. Sa mise à mort politique a été programmée depuis 2019 mais le processus s’accélère à mesure qu’approche l’échéance présidentielle. L’alerte donnée récemment par une vingtaine de généraux retraités français sur les dangers de la déliquescence du pays et l’annonce de leur volonté de prêter un coup de main aux politiques pour sauver les meubles, renseignent sur l’état de la République française. La volonté de tuer Juan Branco est manifeste. Cet iconoclaste dérange l’Etat profond, le Makhzen français qui veille aux intérêts stratégiques du pays. Le 8 mars 2020, Paris Match avait transformé une interview de M. Branco en un article au vitriol, en un réquisitoire qui a puisé jusque dans l’enfance de l’avocat et de sa famille, ce qui laisse penser à un coup de main des services, seuls à même de détenir de telles informations. Les auteurs du pamphlet -ils s’y sont mis à trois pour le pondre- se sont fait trahir lorsqu’ils ont évoqué le livre de Branco qui a fait très mal. «Le pamphlet, intitulé “Crépuscule”, devient en mars 2019, malgré le silence de la presse, un best-seller», se désolent-ils. S’il y a eu «silence de la presse» sur un best-seller, c’est qu’il y a eu forcément un donneur d’ordre à cette presse pour qu’elle se taise! Or, malgré le silence de la presse, le livre de Branco a battu tous les records et son influence ne cesse d’augmenter. Sa mise à mort politique et médiatique a commencé, entre autres, avec Paris Match qui le traite de tous les noms d’oiseaux. Sa mère étant psychanalyste espagnole et son père cinéaste portugais, la presse hexagonale insiste sur ses origines espagnoles, comme si être espagnol était de l’opprobre. De là y voir un complot ourdi par l’étranger, il n’y a qu’un pas que la horde médiatique parisienne n’a pas encore franchi.
Quid des dossiers marocains?
Dans les dossiers jugés au Maroc, cette même presse se bande les yeux elle-même et sa balance française, frauduleuse, s’en repose sur la parole d’accusés pour cause de viol. «Leur emprisonnement (arbitraire), fût-ce d’un jour, nous paraît aujourd’hui intolérable», rapporte Le Monde qui, depuis le déclenchement des affaires de Omar Radi et celle Soulaiman Raissouni, offre libre tribune à leurs soutiens, au détriment de la partie adverse, lésée, évoquée de manière très austère. Si les premiers réclament «la suspension de l’instruction de la procédure», la victime de Omar Radi affirme que «la justice est l’auxiliaire le plus vigilant de la discipline morale. Nul ne saurait s’en affranchir». Mme Boutahar voit le procès contre son agresseur prendre la tournure d’une croisade contre elle. L’Humanité a manifesté «son approbation» des poursuites qu’affrontent Radi et Raissouni, livrant leurs victimes à l’exécration publique de leurs défenseurs officieux à travers des témoignages orientés. Médiapart, lui, a relayé des indiscrétions, des faits incomplets et souvent erronés pour accabler les victimes des deux prévenus.
Pour la presse française, les affaires de viol au Maroc, qu’elle traite au pas de course, ne sont que de «sombres affaires échafaudées», «artifices de procédure» et «poursuites politiques implacables», «machinations inébranlables», tandis qu’en France, le récit des victimes est entendu, recueilli, respecté. En France, on laisse parler les faits et les documents qui montreront sous son jour exact la vérité, mais quand il s’agit des affaires criminelles marocaines, la meute médiatique de l’Hexagone poursuit la justice du pays de ses contestations et interroge les proches des accusés par des circuits et des demandes douteuses pour accabler les institutions publiques. Sur les réseaux sociaux, chaque évocation des victimes est accompagnée de paroles infâmes que la pudeur ne permet pas de désigner.
Au Maroc, les individus impliqués dans des affaires de viol mobilisent leurs partisans, des comités de soutien sont érigés pour eux, leurs proches forment des conciliabules dans leur habitation, tandis que les victimes peinent à s’exprimer à haute et intelligible voix.
La presse française n’est coupable que d’avoir perpétuellement varié, faisant la sourde oreille aux doléances des victimes, présentant leurs bourreaux comme «martyrs de leurs opinions». Mais elle ne peut être autorisée à empiéter sur le débat solennel des assises marocaines dans ces graves affaires qui révoltent les bonnes consciences. Loin des pressions politiques de Paris, la justice du royaume s’acquittera avec impartialité de la tâche qui lui incombe, sans prêter la moindre attention aux aboiements.