Le Maroc dispose bien de marges de manoeuvre pour collecter des recettes fiscales additionnelles et dépasser le niveau actuel de 20,7% du PIB, selon un document de travail publié par Bank Al-Maghrib (BAM).
En moyenne sur la période 2013-2017, la capacité fiscale du Maroc est évaluée à 27,2% du PIB, alors que les recettes fiscales représentaient 21,2% du PIB donnant lieu à un manque à gagner de l’ordre de 6,7 points de PIB. Ainsi, le Maroc n’exploite environ que 76% de sa capacité fiscale.
Si la tenue de la troisième édition des Assises fiscales témoigne d’une volonté continue de réformer le système fiscal actuel, le Maroc gagnerait à traduire cette volonté politique en une série d’actions et de mesures. « Étant donné que le Maroc pratique déjà un niveau d’imposition très élevé, les efforts devront être consentis pour élargir la base fiscale, accroître la population fiscale, améliorer le recouvrement fiscal et promouvoir le civisme fiscal », indique l’étude.
Hicham Doghmi, l’auteur de ce document, note qu’il faut augmenter l’efficience de la TVA en réformant le système de la TVA actuel à cinq taux dans le sens de l’élargissement de son champ d’application. D’une part, le nombre des taux doit être réduit en basculant dans un premier temps à trois taux (0%, 10%, 20%), et in fine à seulement deux taux (un taux réduit et un taux standard).
« Et pour cause, la multitude des taux réduit naturellement les recettes fiscales, fait supporter des coûts administratifs supplémentaires à l’administration fiscale et crée des opportunités d’évasion et de fraude fiscales à travers la classification erronée des produits de la part des agents économiques. D’autre part, le nombre des exonérations doit être revu à la baisse et limité au strict minimum. En 2019, la moitié du coût des dépenses fiscales est attribué à la TVA, avec 84 mesures donnant lieu à un manque à gagner fiscal de 14,3 milliards de dirhams, soit 1,2% du PIB », souligne-t-on.
Il est aussi question d’améliorer la productivité de l’IS notamment en luttant contre les pratiques agressives des multinationales qui recourent aux transferts artificiels des bénéfices dans des juridictions où ils seront très peu ou pas taxés, provoquant ainsi une érosion de l’assiette fiscale et une réduction, par conséquent, de leurs charges fiscales.
L’économiste recommande également de réaménager les taux et le barème d’imposition de l’IR sans que cela entraîne une perte de recettes ou de progressivité. « Cette mesure devra être accompagnée par une répartition juste et équitable de la charge fiscale entre les salariés et les personnes non salariées exerçant une activité professionnelle », explique-t-il, notant qu’il faut aussi lutter contre la fraude et l’évasion fiscales à travers la digitalisation.
Hicham Doghmi souligne que compte tenu de la grande incertitude qui entoure aussi bien l’évolution de la pandémie que la durée des efforts nécessaires pour contenir et atténuer la propagation du virus, une attention toute particulière est à porter au timing et au séquençage de la réforme fiscale.
« Dans ce contexte, si la priorité aujourd’hui est à la relance budgétaire pour soutenir la reprise économique, la politique fiscale sera appelée à jouer, durant la période d’après pandémie et au-delà, un rôle majeur et indispensable dans le rétablissement des équilibres budgétaires et la couverture des coûts engendrés par la crise. Une fois cette crise passée, la mise en œuvre cette réforme fiscale ambitieuse, dictée par les lignes directrices issues des Assises nationales sur la fiscalité, devrait être déployée de manière progressive au fil du temps et adaptée au nouveau contexte économique et social », conclut-il.