Une série d’affaires judiciaires touche des élus de diverses obédiences politiques. Depuis les législatives de 2021, une trentaine de parlementaires sont poursuivis par la justice, emprisonnés ou destitués par la Cour constitutionnelle – sans compter une centaine de présidents et vice-présidents de communes suspendus ou révoqués par le ministère de l’intérieur. Le Parlement actuel, nid de guêpes ?
Depuis trois ans, des élus ont été poursuivis, incarcérés ou font l’objet d’enquêtes pour corruption (terme générique exposant des rapports immoraux entre intérêts et politique), majoritairement issus du Rassemblement national des indépendants (RNI, majorité), du Parti authenticité et modernité (PAM, majorité), de l’Union socialiste des forces populaires (USFP, opposition) et l’Union constitutionnelle (UC, opposition). Parmi eux, le député et ancien ministre délégué Mohamed Moubdii, placé en détention provisoire en avril 2023 dans une enquête pour corruption dans l’octroi de marchés publics, le député Rachid El Fayek du RNI condamné à huit ans de prison pour corruption, le député Abderrahim Waslem déchu de son siège parlementaire pour remise d’un chèque sans provision et un autre député du RNI, Mohamed Simou, poursuivi pour dilapidation de deniers publics.
Dans un discours adressé au Parlement mi-janvier de cette année, le roi Mohammed VI a rappelé «la nécessité de moraliser la vie parlementaire» au Maroc et évoqué «l’adoption d’un code de déontologie qui soit juridiquement contraignant pour les deux chambres de l’institution législative.» L’annonce intervient alors qu’une marée d’affaires judiciaires touche des élus de tous côtés. Depuis les législatives de 2021, une trentaine de parlementaires sont poursuivis par la justice, emprisonnés ou destitués par la Cour constitutionnelle – sans compter une centaine de présidents et vice-présidents de communes révoqués ou suspendus par le ministère de l’intérieur.
Le Maroc avait pourtant adopté une stratégie anti-corruption avant dix ans pour criminaliser l’enrichissement illicite, un texte enterré en sourdine par l’exécutif actuel, mené par Aziz Akhannouch. Au total, trente parlementaires sont en détention, 44 parlementaires sont poursuivis devant les tribunaux chargés des crimes financiers, une dizaine de chefs de préfecture et de conseils régionaux appelés à comparaître devant les tribunaux pénaux et une centaine de responsables locaux soupçonnée de malversations financières.
Point culminant de cet enchaînement judiciaire, l’implication présumée dans un trafic international de drogue d’Abdenbi Biioui, ancien président de la région de l’Oriental, et du député Saïd Naciri, ancien patron du Wydad Casablanca et ex-président du conseil préfectoral de Casablanca. Dans son dernier rapport annuel, l’Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption (INPPLC) a déploré que «les partis politiques, le gouvernement et le Parlement», soient parmi les corps publics les plus touchés par la corruption, selon un sondage mené.
Un code de déontologie enfin contraignant ?
Le 16 juillet, lors d’une séance plénière, le Parlement marocain a approuvé, après plusieurs mois de discussions, un règlement intérieur amendé, validé par 117 députés contre deux abstentions. «Les amendements adoptés, tels qu’approuvés par la commission du règlement intérieur, concernent 27 articles, dont treize articles relatifs au Code d’éthique parlementaire», a-t-on indiqué. L’amendement prévoit aussi «que les membres des commissions d’enquête sont nommés par le Bureau de la Chambre en tenant compte du principe de la représentation proportionnelle des groupes et des groupements parlementaires, sur proposition de ces derniers», a-t-on souligné.
Les amendements relatifs au code d’éthique parlementaire «se sont concentrés sur l’élaboration des mécanismes nécessaires pour rendre contraignantes les dispositions du Code, de manière à moraliser la vie parlementaire et à consolider la confiance dans les institutions élues», tandis que les obligations des députés en matière d’éthique incluent désormais «une clause sur la déclaration de toute incompatibilité avec leur fonction et une clause les enjoignant de déclarer les cadeaux reçus lors de l’exercice de leurs fonctions officielles et de les déposer au musée de la Chambre.»
Le nouveau code, qui compte désormais 504 articles, sera-t-il respecté à la lettre ? Grande question dans les circonstances actuelles. En attendant, les collusions entre élites : politiques – les députés –, économiques – les milieux d’affaires et financiers dans certains secteurs –, administratives – quelques hauts fonctionnaires – font rage sous la mandature d’Aziz Akhannouch, lui-même critiqué pour son double rôle de responsable politique majeur et acteur économique influent.