Le PLF 2021 manque de tranchant et donne un sentiment d’inachevé par rapport aux enjeux actuels de notre pays, selon Mohamed Kettani, membre du Bureau exécutif de l’Alliance des économistes istiqlaliens (AEI).
Selon l’économiste, l’excès de monnaie fiduciaire en circulation dépasse les 25% du PIB. « C’est tout simplement énorme. Nous avons atteint les 300 milliards de dirhams à fin août. C’est autant de liquidités en moins pour les banques et donc des possibilités de financement de l’économie amputées d’autant de ressources. Ce qui nous situe à contresens de l’histoire. Le crédit commercial interentreprises dépasse les 40% du PIB, et les délais de paiement se rallongent avec la crise du Covid. Le crédit interentreprises moyen dépasse les 85 jours au Maroc. Dans de nombreux secteurs, il dépasse la moyenne de 180 jours effectifs. La moyenne mondiale étant de 65 jours », précise-t-il.
Pour Mohamed Kettani, le gouvernement aurait donné pour objectif de réduire par exemple de 25% l’encours des créances interentreprises. C’est plus de 100 MMDH qui seraient venus soulager la trésorerie des entreprises. Si les liquidités se font rares, alors la mise en place d’une plateforme de compensation de créances inter-entreprises est une alternative qui pourrait réduire significativement les encours. L’Exécutif aurait également pu faire décoller véritablement l’inclusion financière en défiscalisant les transactions électroniques pendant un temps au moins (sur ce point, le manque à gagner pour l’Etat, si tant est qu’il y en ait un, n’est pas vraiment significatif).
Parmi les autres mesures proposées par le membre de l’AEI : la réforme des procédures sur les ATD, étant donné que ce serait aussi une occasion de rétablir un climat de confiance entre l’administration des impôts et le contribuable, et la relance de la consommation. Il s’agit également de préserver le tissu industriel et commercial et, bien entendu, protéger les emplois.
« Aujourd’hui, tout passe par les banques. Cela démontre à minima que le pays dispose d’une charpente bancaire structurée, solide et résiliente. Mais faut-il continuer à ne financer qu’à travers les banques ? Nous finirons un jour par saturer ce canal. Quid des autres canaux de financements, qu’ils soient sous forme de dettes, de fonds propres, de mezzanines, de capital risque, de crowdfunding, etc. Si les banques ont encore de la capacité à prêter, il n’y a aucun encouragement pour d’autres canaux. Pire, il est pour le moins surprenant que le PLF prévoit la taxation des apports en compte courant de 1.5%. Est-ce bien le moment ? », fait observer l’économiste.
Selon M. Kettani, tous les moyens de financement de l’entreprise sont à encourager en exonérant les opérations comme les apports des associés en fonds propres. Cela doit inclure les entreprises en difficulté et même les entreprises en risque de disparition par manque de relève. Il rappelle que tous les pays du monde n’ont trouvé aucun autre moyen de faire face aux conséquences de cette pandémie, autrement que par l’endettement et indique que le ratio dette/PIB est de 72% certes (presque 90% si l’on ajoute la dette garantie) ; mais, mécaniquement, ce ratio devrait s’améliorer par la hausse du dénominateur qu’est le PIB prévue en 2021 (+4.7%).
« Une grande partie de cette dette reste tout de même due à des créanciers domestiques ; la dette extérieure représentant environ 25% du stock. On pourra alors dire qu’il est attendu que l’endettement et la dépense soient plus intelligemment utilisés que plus intensément mobilisés, le parfum de mauvais goût du PAS flottant toujours. Mais une approche n’interdit pas l’autre. Bref, ce n’est pas le moment de faire la fine bouche … d’où ce sentiment d’inachevé », a-t-il conclu.
Pour rappel, la commission des finances et du développement économique à la Chambre des représentants a adopté, dans la nuit de mercredi à jeudi à la majorité, la première partie du Projet de loi de finances (PLF) N°65.20 au titre de l’exercice 2021. Cette première partie du PLF a été validée par 21 députés alors que 19 autres s’y sont opposés. En effet, un total de 165 propositions d’amendements ont été présentées par les différentes composantes de la Chambre et 20 autres par le gouvernement. Ces propositions portent principalement sur le volet fiscal, la contribution professionnelle unifiée, la contribution de solidarité pour les entreprises et particuliers.